On rassura cependant ceux-ci, en payant exactement tout ce dont on avait besoin pour la subsistance de la colonne.
Le soir même, ayant appris que le comptoir de Silif, qui était sur notre route, avait été pillé par le boumi, qui ne pouvait lui pardonner l’eau qu’il avait bue, nous y courûmes et le trouvâmes abandonné. Pendant toute cette journée, ainsi que le lendemain, une fusillade assez nourrie à l’avant-garde et sur nos flancs nous prouva que nous étions désormais sur une terre hostile ; cependant aucun détachement ennemi ne tint devant nos éclaireurs.
Une nouvelle marche de nuit, faite avec toutes les précautions voulues, puisqu’il devenait évident que le pays était en armes, nous conduisit à l’escale de Fatik, sur la rivière de Sine, où les traitants n’avaient pas été inquiétés.
Notre troupe forma les faisceaux et se reposa, en mangeant quelques galettes de biscuit qui lui restaient encore. C’était le jour et le lieu du rendez-vous donné pour la paix ou pour la guerre au roi de Sine ; il n’y manqua pas.
À neuf heures, au moment où nous n’y songions plus, l’armée de Sine déboucha des bois, la cavalerie en tête, et un de nos hommes fut blessé sur les faisceaux avant que nous eussions eu le temps de courir aux armes. Nous étions six cents hommes en tout, dont trois cent vingt-cinq volontaires.
Les compagnies de débarquement et les volontaires de Dakar se jetèrent dans le bois qui se trouvait à droite et maintinrent vigoureusement en respect, pendant toute l’affaire, l’infanterie ennemie qu’ils avaient devant eux. Les tirailleurs sénégalais et les volontaires de Gorée coururent sus aux cavaliers qui envahissaient déjà le bivac. Un peloton d’infanterie blanche, trente-cinq hommes en tout, resta, par ordre du gouverneur, en réserve auprès de notre artillerie composée d’un seul obusier. Cet engin fit d’abord merveille, et trois coups lâchés par lui et d’assez près sur l’ennemi, étonnèrent grandement les cavaliers noirs et leurs montures. Mais, ayant brisé son affût presque aussitôt, force lui fut de demeurer muet et inutile. Cet accident n’empêcha pas nos fusiliers de refouler la cavalerie de Sine dans la forêt chaque fois qu’elle essayait de se déployer dans la plaine ; mais, comme le colonel Faidherbe ne voulait pas laisser ses hommes s’engager sous bois à la poursuite de l’ennemi, de peur de quelque embuscade, les cavaliers noirs, ramenés par leurs chefs et reprenant courage, revinrent jusqu’à trois reprises à la charge. Comme ils essayaient un suprême effort, la réserve blanche marcha sur eux la baïonnette baissée. Cette fois, l’armée de Sine commençant à compter ses pertes et voyant ses chefs tués ou blessés, tourna vivement le dos, et prit définitivement la fuite, nous laissant maîtres du champ de bataille, où, parmi