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Lorsque ces découvreurs audacieux remontèrent le Paranà et le Rio-Paraguay, en quête du Roi d’argent (Rey plateano), ils trouvèrent les rives des deux fleuves au pouvoir d’un peuple puissant, partagé en de nombreuses tribus que beaucoup d’écrivains ont à tort considérées comme autant de nations distinctes, et qui s’étendait presque sans interruption du trente-quatrième au seizième degré de latitude sud, en couvrant les provinces de Corrientes, du Paraguay, et la partie méridionale du Brésil. C’était la nation guaranie, dont le nom tient une large place dans l’histoire des peuples aborigènes de ce demi-continent. Mais sur cette vaste étendue, les Guaranis ne formaient pas un corps homogène, soumis à l’autorité d’un chef commun, obéissant à une même direction ; et ce fractionnement en tribus souvent hostiles, le défaut d’union ou la rivalité des chefs, en affaiblissant leur résistance, rendirent leur défaite plus facile à des hommes qu’aucun obstacle n’arrêtait dans des luttes continuelles avec la nature terrible du désert. On le sait, la force ne fut pas d’ailleurs leur unique point d’appui, et de nombreuses unions avec les femmes indigènes, unions dont Martinez de Irala fut l’ardent promoteur, constituent peut-être le plus puissant levier de la conquête de cette belle province.

Una venta ou cabaret des provinces frontières de la Plata. — Dessin de M. Pelcoq d’après M. Demersay.

Tandis qu’à Buenos-Ayres la race latine, dédaignant de s’allier aux Indiens peu nombreux ou hostiles des pampas, se conservait sans mélange et pour ainsi dire dans toute sa pureté, ou se renouvelait seulement à l’aide des recrues fournies par l’Espagne, au Paraguay elle était contrainte par les circonstances, à moins de hauteur et de fierté. Ce fut, en effet, une nécessité à la fois politique et physiologique pour les hardis soldats des expéditions centrales de l’Amérique du Sud, de s’allier à la race qu’ils allaient soumettre. D’un côté, leur nombre ne fut jamais en rapport avec celui de leurs ennemis ; de l’autre, le chiffre des femmes qui émigrèrent dans l’intérieur, demeura à toutes les époques dans d’insuffisantes proportions. En choisissant des épouses parmi les Indiennes, en déclarant Espagnols les métis qui naquirent de ces alliances, les conquérants firent faire à la colonisation de rapides progrès, car ils créèrent dans leurs établissements, pour les défendre, un peuple nouveau, orgueilleux de ses ancêtres, jaloux de conserver la gloire et d’étendre encore les immenses domaines dont il héritait.

Tel est le point de départ de la population du Paraguay, qui conserve profondément gravée l’empreinte de son origine maternelle. Il convient d’ajouter que les races américaines, en général, se prêtent admirablement à ces mélanges intimes avec le sang européen. Ainsi, tandis que certains caractères physiques du nègre, par exemple l’état crépu des cheveux, la grosseur et la saillie des