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nouvellement admis dans la caravane. Il put comprendre qu’il ne s’agissait entre eux de rien moins que de nous voler nos mulets, à lui et à moi, aussitôt que nous aurions atteint les régions où toutes les habitations disparaissent. Ils nous avaient choisis pour victimes parce que nous étions Européens. M. de Dommartin me fit part du complot de ces aventuriers, et nous convînmes de repasser la rivière à la pointe du jour, espérant, en attendant quelque temps à Corralitos, rencontrer une autre caravane avec laquelle nous pourrions poursuivre notre route. Dès notre réveil, nous nous rendîmes auprès du capitaine Watson pour lui faire nos adieux, sans pourtant lui dire le motif de notre retraite. Il fut bien étonné et paraissait contrarié de nous perdre : mais notre résolution fut inébranlable. Nous repassâmes la rivière à gué et nous prîmes résidence à Corralitos.

Le propriétaire de cette hacienda, qui en même temps était le chef politique du canton de Galeana, don José-Maria Zuluaga, nous reçut très-amicalement. Il mit à notre disposition une maison assez vaste et des écuries pour nos bêtes.

Terrasses d’une habitation de Corralitos.

Maintenant que nous sommes en pleine Apacherie, je crois utile d’initier le lecteur avec les mœurs des Apaches.

Sous le nom générique d’Apache, on comprend plusieurs tribus dispersées sur une immense étendue de terrain au nord de l’État de Chihuahua, dans la direction de l’ouest, et qui n’est bornée que par le presidio del Altar en Sonora, près de la mer de Cortez et la baie de l’Espiritu Santo.

Tous ces Indiens parlent le même idiome avec peu de différence dans l’accent, sauf quelques mots particuliers. Leurs coutumes varient selon les lieux et le plus ou moins de rapports qu’ils ont avec les blancs. Tous cependant sont amis et ne se livrent entre eux aucune guerre.

Ces Indiens sont hardis, méfiants, inconstants, pleins d’astuce, superbes dans leur allure, fiers de leur liberté et de leur indépendance.

Leur peau est rouge foncé ; ils sont tous bien proportionnés ; leurs yeux sont vifs et étincelants ; souvent ils ne se parlent, dans des circonstances graves, que par le regard ; leur chevelure est abondante, mais roide et sans aucune souplesse ; ils parent rarement leur tête d’ornements ; ils n’ont point de barbe ; quand par hasard quelques poils poussent, ils se servent d’une petite pince suspendue à leur cou pour les arracher.

Ils sont nomades. Ils varient leurs résidences ou rancherias selon les dangers qui les menacent ou selon le plus ou moins de facilité qu’ils trouvent pour se procurer des vivres : ils s’établissent de préférence dans des endroits escarpés et pierreux.

Ils font une espèce de pain avec de la résine ou