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exploitée ; c’est celle de San Pedro. On y compte environ trois cents ouvriers mineurs : Leur existence est assez dure, et leur travail si pénible (voy. p. 156) n’a pu jusqu’à ce jour, recevoir aucune des simplifications introduites par la science dans les pays civilisés, malgré le talent des ingénieurs qui sortent de l’école des mines de Mexico. La crainte paraît avoir retenu jusqu’à ce jour les ingénieurs loin de ces vastes déserts qui offriraient un champ si favorable à leur talent et à leur activité.

Les mines de San Pedro sont situées à l’extrémité sud de la sierra de la Escondida séparée par une passe de la sierra de Capulin.

C’est à travers cette passe qu’il faut marcher pour se rendre à la ville du Passo del Norte, située sur les bords de la rivière du même nom. À l’époque de mon voyage elle comptait quatre mille âmes. Mais depuis, la population a beaucoup augmenté à cause de l’émigration californienne qui doit nécessairement la traverser pour se rendre à sa destination. La culture de la vigne y est florissante.

La rive droite de la ville de Passo est mexicaine, la rive gauche américaine. Le caractère de chacune des deux nations s’y témoigne par un contraste caractéristique. Nonchalance sur la rive droite, aspect d’une fourmilière en travail sur la rive gauche.

Après avoir exploré toutes les ressources du pays, nous résolûmes de le quitter pour retourner dans la capitale. J’abrége le récit de nos étapes.

Picatcho des Mimbres : frontière commune des États-Unis et du Mexique.

À peu de distance de Corralitos, nous rencontrâmes cinq émigrants à pied, traînant à bras une petite voiture qui contenait leurs provisions. Cette étrange manière de voyager dans un pays si vaste et si dangereux nous surprit beaucoup. Quels pouvaient être ces malheureux ? Notre étonnement fut plus grand encore quand nous vîmes qu’ils étaient tous Français. Le chef de cette petite caravane était un avocat de Lyon, que les poursuites pour délit politique avait contraint de chercher une nouvelle patrie. Il avait préféré la vie aventureuse du chercheur d’or à la vie paisible de l’agriculteur. Il possédait une ferme dans l’État de l’Ohio. Le second, également de Lyon, était fils d’un marchand de vins. Le troisième avait été militaire. Je ne sais rien des deux autres. Ces cinq hommes, quand ils s’étaient mis en route, avaient un âne pour traîner leur petite voiture ; mais l’animal leur avait été volé pendant la nuit entre Santa Fé, dans le Nouveau-Mexique, et le Passo del Norte. Ils n’en continuaient pas moins leur course en s’attelant tour à tour au petit véhicule. Ils avaient déjà fait ainsi plusieurs centaines de lieues, et devaient en faire encore autant avant d’arriver au but de leurs désirs, la Californie. Nous pouvions à peine nous expliquer leur courage ou leur imprévoyance ; ils marchaient sans aucune arme dans une contrée où il faut à tous moments se tenir en garde contre les animaux, les reptiles et les sauvages.

En nous quittant, ils se dirigèrent vers le nord-ouest ; nous poursuivîmes vers le sud.

Je n’ai qu’un fait à signaler dans cette dernière partie de mon voyage ; il me paraît caractéristique. J’admirais des troupeaux de superbes bêtes à cornes, et souvent je ne pouvais me procurer une tasse de lait et un peu de beurre qu’avec beaucoup de peine, même dans une hacienda comptant des centaines de vaches. Je m’informai de la cause, et je dus conclure d’explications données çà et là avec un peu de honte, qu’il ne fallait attribuer cette privation volontaire de deux aliments si sains et si précieux qu’à la paresse et à l’indifférence des habitants.

Vers la fin de décembre, nous campions à Nombre de Dios, à l’endroit même où, six mois auparavant, nous avions assisté à un double meurtre et où l’agresseur avait été inhumé. Le lendemain nous étions rentrés dans la ville de Chihuahua.

Rondé.