Page:Le Tour du monde - 04.djvu/368

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Polycarpe m’avait demandé la permission d’aller de son côté. Il était de Santarem ou des environs : cette demande était trop juste ; je lui avais donné en outre de l’argent pour s’acheter quelques effets, n’ayant pas eu le temps de le faire au Pará. Il me promit non en paroles, mais par gestes, de revenir dans une heure.

Je me promenais solitairement sur la plage, quand je vis un monsieur venir à moi : c’était l’agent principal de la compagnie des bateaux à vapeur de l’Amazone. Le capitaine l’avait prévenu de mon passage ; il mit sa maison à ma disposition, ne voulant pas qu’à mon retour, si je séjournais à Santarem, j’allasse autre part que chez lui. La lettre que je lui remis produisit également son effet sur le capitaine, qui depuis ne cessa de me témoigner une grande déférence.

Nous avions laissé quelques passagers à Santarem et à Brevès. Depuis leur départ tout le monde était gai à bord : le capitaine, gros bon garçon, riait toujours ; l’immediato (le second), était un charmant jeune homme, blond comme un Américain du Nord. Il y avait en outre un jeune docteur militaire, allant ainsi que moi et mon nouvel ami à la Barra do rio Negro[1]. Quand on voyage au Brésil dans les navires à vapeur, on est certain de voir toujours des employés du gouvernement en grand nombre, quelques négociants, mais jamais de curieux. Comme toutes les professions ont des docteurs, nous en avions quitté plusieurs et nous en possédions encore, et moi aussi j’en étais un.

Un bain dangereux.

En sortant de Santarem et du fleuve Tapajóz, nous regagnâmes l’Amazone par un charmant petit canal. La nature ici n’était pas grandiose, mais si jolie, que je regrettais de passer outre. Des oiseaux de toute couleur se promenaient sur les bords fleuris de ce petit paradis terrestre ; l’eau était si calme que, la chaleur aidant, tout le monde exprimait le désir de se baigner. On ne courait aucun danger, et déjà nous parlions de demander la permission au capitaine. Un quart d’heure eût suffi ; ceux qui ne savaient pas nager se seraient aidés et soutenus par des troncs d’arbres qu’on voyait glisser légèrement à fleur d’eau. Ce qui fit qu’on ne demanda rien, ce fut qu’on vit que ces pièces de bois remontaient le courant ; ce fut qu’en y regardant de plus près, on s’aperçut qu’il y avait eu erreur : c’étaient des caïmans.

Biard.

(La suite à la prochaine livraison.)



  1. Ou à Manáos. Voyez la note de la page 362. En 1848, la population du district de Barra était de trois mille six cent quatorze blancs et de deux cent trente-quatre esclaves.