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Description de l’île Rossel et de ses habitants.

Il me reste à donner quelques détails sur l’île Rossel et sur ses habitants. Le lecteur curieux de géographie ne me pardonnerait pas de l’avoir conduit si loin pour ne lui rien faire voir, et d’avoir parlé si longuement de ce triste épisode de naufrage sans tracer au moins l’esquisse de la scène où il s’est passé.

L’île Rossel est la plus orientale de l’archipel de la Louisiade, dont elle fait partie. Cet archipel est lui-même situé au sud-est de la Nouvelle-Guinée, dans cette partie de l’Océanie qu’on a désignée sous le nom de Mélanésie.

On n’avait, avant notre expédition, aucun renseignement sur l’île Rossel, non plus que sur la plupart des îles du même archipel. D’Entrecasteaux et Dumont d’Urville en avaient relevé la position et les contours, mais sans y laisser tomber l’ancre.

Les marins australiens, qui connaissent le mieux et parcourent le plus souvent l’Océanie dans tous les sens, n’ont pas encore osé entamer de relations commerciales avec les féroces habitants de ces îles.

La priorité qui nous appartient donnera peut-être quelque intérêt à la courte description que je vais faire.

Attaque des villages de l’île Rossel. — Dessin d’Hadamard.

L’île Rossel est montagneuse et de formation volcanique. Son sommet le plus élevé doit atteindre neuf cents à mille mètres environ. Son plus grand diamètre, qui l’emporte peu sur les autres, est d’à peu près douze milles. Ses montagnes s’élèvent en pentes roides, ne laissant entre leur base et le rivage qu’un étroit cordon de terrain plat, marécageux et envahi par les palétuviers.

À en juger par les nombreux cours d’eau qui viennent déboucher au rivage, on peut dire que l’île est parfaitement arrosée.

La rivière du Mouillage, celle où nous avons été attaqués, étroite mais profonde, serpente dans une belle vallée couverte d’arbres gigantesques. L’aspect général du pays est magnifique : les forêts s’élèvent jusqu’à la crête des montagnes, qui ne laissent à découvert sur leurs flancs que des cabanes entourées d’une pelouse verdoyante et ombragées d’arbres fruitiers. Au pied des coteaux sont épars de petits villages comme les deux que nous avons vus, au milieu d’arbres à pain, de cannes à sucre et de bananiers.

Le cœur saigne quand on songe que cette splendide nature n’élabore ses productions que pour des êtres aussi dégradés que ceux qui habitent cet admirable pays.

Le village que nous avons détruit, et dont j’ai examiné avec curiosité les habitations, se composait de six cabanes seulement. Ces cases sont d’une construction fort originale et très-appropriée au climat. Ce sont de grandes cages en claies de jonc, munies d’une porte et d’une fenêtre à battants, et soutenues par des piquets à soixante centimètres