sandong, c’est-à-dire à la maison des morts. À l’occasion des funérailles, on célèbre une fête pompeuse, où l’on immole des hommes, des buffles et des porcs. Les têtes des victimes sont suspendues dans le sandong. Le tomonggong Toundan avait déposé dans le cercueil de sa femme huit habillements complets et toutes les parures qu’elle avait portées. Immédiatement après qu’elle eut expiré, il avait immolé un esclave ; puis trois autres lorsque le cadavre avait été porté hors de la maison ; enfin lors de l’incinération du corps, huit esclaves, soixante porcs et deux buffles avaient été égorgés autour du bûcher.
Les riches observent une étrange coutume : le conjoint survivant ne peut sous aucun prétexte quitter la maison, pendant un temps plus ou moins long, selon les diverses familles. Souvent le veuf ou la veuve reste assis sans rien faire sur une natte, trois, quatre et même jusqu’à sept mois.
Les sacrifices humains ont encore lieu lors de la conclusion des traités de paix et d’alliance. On trempe alors dans le sang humain les talismans publics ou privés, et les personnes qui assistent à la fête barbouillent du même sang leur front, leurs épaules, leur poitrine, leur ventre, leurs genoux, leurs pieds, tout en faisant des vœux les uns pour les autres.
Les fêtes des Ot-Danoms sont longues, bruyantes, grossières, et se terminent fréquemment par des rixes. Hommes et femmes s’enivrent ; les querelleurs saisissent leurs armes et veulent se battre ; mais ceux dont la raison est la moins troublée les séparent et les lient jusqu’à ce qu’ils se soient calmés ; après ces débauches, le sol est jonché de corps privés de la liberté de leurs mouvements.
Comme tous les indigènes de l’île, les Ot-Danoms sont très-superstitieux et misérablement esclaves de leurs croyances ridicules. Les étrangers en ressentent aussi les effets. Lorsqu’ils arrivent pour la première fois en certains endroits, la coutume leur prescrit de payer aux habitants le balas, c’est-à-dire une somme d’argent avec laquelle on achète des buffles ou des porcs, que l’on sacrifie aux dieux pour apaiser leur courroux. Un balas coûte au voyageur, selon ses moyens et le but de son voyage, de quarante à cent gulden (quatre-vingts à deux cents francs).
Les riches Ot-Danoms ont emprunté probablement aux Chinois l’usage barbare de renfermer leurs filles, à l’âge de huit à dix ans, dans une étroite cellule très-mal éclairée. La pauvre captive ne peut sortir, sous quelque prétexte que ce soit, ni recevoir de visite, pas même de son père, de sa mère, de ses frères, de ses sœurs. Pendant six à sept longues années, elle ne voit que l’esclave attachée à son service, et n’a d’autre occupation que de tresser des nattes ; ses membres, privés d’exercice, n’acquièrent pas leur développement naturel ; ses pieds notamment restent petits et mignons, ce qui est une très-grande qualité aux yeux des indigènes. Arrivée à l’âge de nubilité, elle est rendue à la liberté, et reparaît pâle comme une poupée de cire, chancelante sur ses jambes débiles, et ignorante comme un enfant nouveau né. On immole à cette occasion un esclave, afin de barbouiller de son sang le corps de la jeune fille. Cette réclusion, qui s’appelle bakouwo, a pour but de rendre célèbre celle qui en est l’objet, et de lui conserver une forme mignonne pour attirer de riches partis.
Chez les Ot-Danoms, les chiens sont tenus en grand honneur pendant leur vie et après leur mort. On leur attribue une âme, et la tradition les fait descendre de Patti-Palangkaing, le roi des animaux. Un jour que ce monarque, pauvrement vêtu, présidait gravement les bêtes assemblées, l’insuffisance de son costume éveilla parmi tous les assistants un immense éclat de rire. Offensé de ce manque de respect, il s’élança au milieu de ses sujets, donna des coups de dents aux uns et aux autres et les mit en fuite. Cette escapade fut suivie de sa déposition, et depuis, il nourrit une telle haine contre les rebelles qu’il mit tout son bonheur à leur donner la chasse. Ses descendants ont hérité de sa rancune, et c’est cette circonstance qui fait leur principal mérite aux yeux des Ot-Danoms. Lorsqu’un chien périt, son maître inhume, près de la maison, le cadavre enveloppé d’étoffes ; il dépose du riz et du sel dans la fosse, et en répand dessus, afin de disposer les dieux à conduire l’âme trépassée dans le paradis des chiens ; enfin il érige un poteau à la mémoire de son fidèle serviteur, et y suspend les mâchoires et les têtes des cerfs et des sangliers tombés sous la dent de l’animal.
Les Ot-Danoms sont tatoués comme les Niadjous ; mais chez les premiers, les dessins sont mieux faits, plus compliqués et couvrent tout le corps, à l’exception du visage. Autrefois le tatouage était beaucoup plus simple : il a été perfectionné, d’après les indications données par les bilians sur la manière dont s’enjolivent les sangsangs (anges). Les femmes ont les tibias tatoués depuis le genou jusqu’à la racine du pied. Elles portent un pagne court, étroit, et le plus souvent bleu, serré autour des hanches par une corde de rotang ou une chaîne de cuivre. Sur le côté gauche sont attachés à la ceinture plusieurs colliers de grosses perles, souvent remplacés par des tresses et des bottes d’herbes odorantes, entrelacées de plumes et de clinquant. Leurs autres ornements sont des bracelets de cuivre et des pendants d’oreilles de la grosseur d’une pièce de vingt francs, taillés très-élégamment et incrustés de petites plaques d’or. Leur apparence est souvent lourde et disgracieuse, par suite d’une surabondance de force et de santé. Elles sont très-actives et font ici, comme partout à Bornéo, les travaux les plus rudes. Elles fabriquent des tissus avec des filaments de bambou et de feuilles d’arbre, et savent les teindre en diverses couleurs, particulièrement en bleu, leur couleur favorite.
Les hommes portent comme leurs compagnes des bracelets de cuivre ou de coquillages, et se couvrent la poitrine de cornalines suspendues à un, deux, trois et même quatre croissants d’or. Outre le talawang ou bouclier de bois, long de trois pieds et demi, large de quatorze pouces, et le mandau (espadon), récemment introduit parmi eux, les Ot-Danoms ont encore pour engins ou instruments de guerre : la sarbacane (sipet), qui est pourvue d’une pointe de bois de fer et peut servir de pique ; — le carquois rempli de flèches empoisonnées,