VOYAGES DANS L’ÎLE DE BORNÉO.
VOYAGE LE LONG DES FLEUVES LUPAR ET KAPOUAS, DANS LA PARTIE OCCIDENTALE DE BORNÉO,
III
28 janvier. — Le moment de commencer ma course à pied est arrivé.
Indépendamment du rajah, de moi et de mon domestique, notre caravane se composait encore de douze hommes d’escorte, tant Dayaks que Malais, dont la moitié était pourvue d’armes.
Je ne m’attendais pas seulement à de mauvais chemins, mais encore à l’ascension de quelque haute montagne. Cette dernière conjecture ne se réalisa pas. Notre route tournant toujours par des vallées étroites et peu élevées, n’atteignait guère que des niveaux de plus de cent cinquante mètres. En revanche les chemins étaient détestables. C’était une suite continue de ruisseaux, de marécages et d’eaux stagnantes où nous enfoncions souvent jusqu’au-dessus des genoux. Du haut des collines nous avions des vues admirables. Au fond on voyait s’amonceler de triples chaînes de montagnes entrecoupées par de grandes vallées et de beaux fleuves, mais ensevelies dans les profondes ténèbres de forêts impénétrables. Rarement nous rencontrions quelques petites clairières, habitées par des Dayaks et plantées de riz, de maïs, de canne à sucre et d’ubi (espèce de pomme de terre douce). Quand nous approchions d’un endroit semblable, on faisait une halte, et détachant une partie de l’escorte, on l’envoyait en avant pour examiner les lieux et pour demander la permission de passer. Deux fois nous fûmes obligés de traverser les maisons des Dayaks, sur lesquelles nous grimpions d’un côté à l’aide d’une échelle pour en descendre de l’autre côté. C’est souvent exprès que les Dayaks n’éclaircissent pas les forêts autour de leurs habitations, pour en rendre l’accès plus difficile à