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Le naufrage de la Belle. — Dessin de Stock d’après M. Vigneaux.


VOYAGE AU MEXIQUE,

PAR M. E. VIGNEAUX.
1854-1855. — TEXTE INÉDIT.




AVANT-PROPOS.

Le 26 mai 1854, à la pointe du jour, une chaloupe pontée, portant le nom de la Belle, qu’elle méritait bien par l’élégance de sa coupe et la légèreté de son gréément, débouchait de la rade de San Francisco, la proue tournée vers le sud. Jaugeant dix tonneaux, manœuvrée par sept marins de nationalités diverses, elle portait en outre trois Français qui, seuls, avaient le secret de sa destination. L’un de ces derniers, armateur et propriétaire de la petite embarcation, avait été poussé de bonne heure, en dépit de sa naissance aristocratique, dans les rangs de ces esprits aventureux, qui abondent aux époques de transition ; pionniers insouciants de l’idée, enfants perdus du progrès, enivrés surtout de leurs propres rêves, et soutenus jusqu’à la mort par la conviction que rien n’est impossible là où tout est à refaire.

Or l’incurie de l’administration mexicaine, trop fidèle héritière des vieux errements espagnols, et les incursions des sauvages ayant fait table rase de la civilisation et presque de tous les liens sociaux dans l’État de la Sonora, le comte de Raousset-Boulbon, car c’est de lui qu’il s’agit, allait rejoindre dans cette contrée quatre cents Français enrôlés un mois auparavant par les autorités mexicaines, persuadé qu’avec l’appui de cette poignée d’hommes il pourrait réorganiser la Sonora et peut-être, par cette belle province, régénérer le Mexique tout entier. Le comte avait associé à ses plans un docteur de la Faculté de Paris, comme médecin, et, en qualité de secrétaire, un jeune homme d’une famille honorable de Bordeaux, M. Vigneaux, auteur de la relation que nous offrons aux lecteurs du Tour du Monde.