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fournissent l’eau nécessaire à la consommation : ce nom de noria leur vient d’une roue à godets qui sert à la puiser. Plusieurs de ces puits se dessèchent pendant l’été, et des citernes analogues à celle du rancho de Navarro conservent l’indispensable élément, dans un état très-voisin de la corruption, il est vrai.

Du côté du port, auquel tournent le dos la plupart des maisons voisines, la quiétude n’est pas moindre. Un pauvre quai de pierre sèches soutenues par de grossiers pilotis, accessible aux chaloupes seulement, se développe modestement devant la plaza del Muelle (place du Môle) que sa ligne, brisée en retour d’équerre, ferme à l’est et au sud. Au sommet de l’angle, une petite jetée s’avance de quelques mètres dans la rade, c’est le môle. Au nord de la place se trouve la maison de M. Calvo, agent consulaire de la France à cette époque ; à l’ouest s’élève un monticole surmonté d’un triste fortin qui a l’air de réclamer l’indulgence des canons ennemis. Tout près de la jetée, un pavillon isolé sert de poste de douane. Au pied du monticule et le long du quai s’étend une double rangée de cabanes en bambous : c’est le marché. On y vend des légumes, des fruits et des fleurs qu’apportent les Indiens dans de longues pirogues d’une seule pièce, des liqueurs, du poisson parfois, et l’on y cuisine pour le peuple. Le soir, c’est un lieu de promenade et de rendez-vous.

Rues et places sont irrégulières ; quelques-unes sont bordées de trottoirs informes, mais aucune n’est pavée ni éclairée la nuit. Trois de ces voies ont pris un développement plus grand que les autres, ce qui donne à la ville la forme d’une étoile. L’une est la rue principale ou route d’Hermosillo, dans laquelle se trouve le cuartel, la caserne mexicaine, et dans son prolongement étroit, vers le fort, la carcel ou colabozo. La seconde, partant de la plaza Mayor, s’éloigne dans une direction opposée ; c’est la rue de la douane, elle conduit au cimetière. La troisième, verticale aux deux autres, se dirige vers un mamelon surmonté de trois croix et décoré en conséquence du titre de Calvario.

Il y a un curé à Guaymas, mais pas d’église. Une chambre délabrée dans un bâtiment en ruine, au coin de la grande place et de la rue de la Douane, servait à la célébration du culte. La ville est pauvre, bien qu’il y ait quelques familles très-opulentes ; sa population ne doit pas dépasser quinze cents âmes, encore les chaleurs de l’été réduisent-elles beaucoup momentanément ce nombre sur lequel on compte, d ailleurs, un tiers environ d’Indiens de race pure, gens essentiellement instables. Ils composent la classe des artisans et se recrutent, à peu d’exceptions près, dans la tribu des Yaquis. Leur caprice, bien plus que la nécessité, les amène à Guaymas où ils pratiquent les métiers de charpentier, maçons, forgerons, cordonniers, aguadores, portefaix, bateliers, domestiques et journaliers ; ils se montrent très-industrieux, mais