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quelle se développent encore des batteries basses. Toutes ces défenses, de même que les murailles, les monuments et la plupart des maisons de Vera-Cruz, sont construites en pierre madréporique, dite de mucara, la seule que l’on rencontre aux environs. Seule la courtine de San Fernando, qui regarde la ville, est en pierre dure apportée d’Espagne peu à peu, assure-t-on, à l’époque de la construction du fort, par les navires de commerce auxquels le gouvernement en imposait un certain nombre à titre de lest.

Les Espagnols, chassés de la colonie en 1822, conservèrent néanmoins ce fort jusqu’en 1825, époque à laquelle l’indépendance du Mexique dut être officiellement reconnue. Mais pendant cette taquinerie d’enfant vindicatif, protestation mesquine des droits prétendus de la cour de Madrid, la garnison du château vivait en état de trêve permanente avec celle de la ville ; les communications étaient libres durant le jour, et c’était à peine si la nuit on se tenait sur la défensive dans la crainte d’une surprise. La troupe royale se contentait d’extorquer un droit de huit et demi pour cent ad valorem sur les marchandises étrangères importées dans la ville. Ces petits détails peignent mieux que tous les raisonnements le caractère de la domination espagnole en Amérique.

Puente nacional. — Dessin de E. de Bérard d’après Dauzats.

La Vera-Cruz s’élève sur le lieu même où Cortez débarqua le 21 avril 1519, jour du vendredi saint ; ce fut même en raison de cette coïncidence qu’il attacha le titre de Ville de la Vraie Croix au premier établissement espagnol formé sur la côte. La ville actuelle fut fondée par le vice-roi comte de Monterey, à la fin du seizième siècle ; elle reçut son privilége de villa en 1615.

Le 22 février, dans la matinée, je me dirigeai vers la Porte de la Mer, et là je pris un canot qui me transporta à bord du vapeur Orizaba, mouillé au sud du fort de San Juan de Ulloa ; j’allais enfin dire adieu à la Vera-Cruz. Nous ne tardâmes pas à lever l’ancre. Ce ne fut pas sans regrets toutefois que je vis s’effacer peu à peu dans un lointain vaporeux les rivages du Mexique, et tant que la noble cime de Citlaltepelt fut visible à l’horizon mon regard y demeura attaché et ma pensée s’envola vers cette belle terre astèque à laquelle je souhaitais de toute mon âme le repos et la prospérité dans l’indépendance.

Ern. Vigneaux.


Nota. — Les dessins contenus dans les livraisons précédentes, pages 261, 265, 267, 277, 280, 285, et 288, reproduisent des photographies prises d’après nature par M. Charnay, dont nous donnerons incessamment le voyage dans le Yucatan.


Les muletiers.