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du Fezzan. Les études de M. Duveyrier sont tout à la fois ethnographiques et physiques. Il a fixé par une série d’observations astronomiques la position précise des principaux points du Sahara algérien et tunisien ; il a déterminé le relief du sol par une suite d’observations barométriques ; il a réuni sur les tribus berbères qui peuplent çà et là ces vastes solitudes, des notions qui compléteront utilement les informations antérieures. Quoique l’on ne connaisse encore que par des communications accidentelles cette suite de travaux et de recherches, on en peut apprécier déjà la très-grande valeur ; la relation que le voyageur prépare en ce moment, ainsi que la carte qui doit l’accompagner, seront certainement au nombre des morceaux les plus précieux dont les voyages contemporains aient enrichi la géographie de l’Afrique[1].

Une autre publication qui se prépare sera accueillie avec curiosité par la généralité des lecteurs, et avec un sérieux intérêt par les hommes d’étude : c’est une édition française des voyages de notre compatriote Paul Duchaillu dans la partie de l’Afrique équatoriale qui avoisine le Gabon.

Le Gabon est un large estuaire où se déversent plusieurs cours d’eau de médiocre étendue, et qui débouche sur la côte occidentale d’Afrique à un demi-degré au nord de l’équateur. La relation de Duchaillu, publiée en Angleterre il y a huit à neuf mois, y est devenue, de la part de quelques critiques, l’objet d’attaques plus que passionnées ; une certaine confusion, que l’absence de dates régulières jette dans les premiers chapitres, a été le point de départ d’imputations excessives. Il suffisait cependant d’un peu d’attention pour apercevoir l’origine de cette confusion, et la circonscrire dans ses véritables limites. C’est ce qu’a fait le premier, dans un de nos journaux quotidiens, celui qui trace ces lignes[2] ; et nous sommes heureux de voir notre opinion à cet égard partagée par une des premières autorités géographiques de l’Europe, M. Augustus Petermann de Gotha. Le savant directeur des Mittheilungen a tracé, avec l’habileté magistrale qu’on lui connaît, une carte rectifiée du théâtre des courses du jeune voyageur ; carte qu’il a bien voulu mettre à la disposition du Tour du Monde (p. 404). Duchaillu, quand il se rendit au Gabon en 1856, n’y allait ni comme observateur savant ni même comme voyageur dans le sens élevé du mot ; il venait là armé du fusil, pour faire des collections d’histoire naturelle et poursuivre le redoutable gorille dans les sombres forêts qui servent de repaire au monstrueux quadrumane. Mais en présence de cette nature vierge, au milieu de ces tribus à peine connues de nom, il sentit poindre en lui les instincts de l’explorateur. Il recueillit des informations, et, en définitive, il réunit les éléments d’un livre qui nous donne, outre ses curieuses aventures de chasseur, un bon aperçu général d’une grande région jusqu’alors complétement inexplorée.


II

EXPLORATIONS DES PARTIES CENTRALES DE L’AUSTRALIE.

Expédition de Burke. — Traversée du continent. — Catastrophe.

Beaucoup de bruit s’est fait aussi depuis quelques semaines, dans les journaux de Londres et au sein des société savantes, autour d’un nom jusque-là inconnu, le nom d’O’Hara Burke ; si les critiques anglais ne sont pas toujours justes vis-à-vis des voyageurs étrangers, l’Angleterre n’est jamais ingrate pour ses propres explorateurs. Burke, du reste, n’a que trop chèrement conquis d’incontestables droits à une prompte célébrité ; la traversée complète du continent australien accomplie pour la première fois après un grand nombre de tentatives infructueuses, puis, au retour, le voyage terminé par une des catastrophes les plus navrantes qu’aient jamais enregistrées les fastes des explorations géographiques, c’est plus qu’il n’en fallait pour justifier la grande notoriété qui s’est attachée à ce voyage.

Nous allons en retracer les principaux incidents[3].

Quelques mots d’abord sur les antécédents auxquels le voyage se rattache.

Si l’Australie était une terre historique, si elle avait, comme les contrées de notre continent, l’illustration que donnent les vieux souvenirs, les entreprises ininterrompues que depuis vingt ans et plus les Anglais y poursuivent, auraient eu dans le monde un grand retentissement. Mais l’isolement de cette île immense, située dans l’hémisphère austral à six cents lieues des extrémités sud-est de l’Asie, l’affreuse stérilité de ses parties intérieures, la barbarie profonde de ses rares habitants, et, par suite, l’absence de tout rapport de curiosité ou de commerce avec les nations civilisées ne permettent guère que l’attention générale se porte de ce côté d’une manière un peu suivie.

Cette terre sauvage est devenue, néanmoins, une colonie anglaise, et elle pèse d’un poids chaque jour plus considérable dans la balance coloniale de la Grande-Bretagne ; ses zones littorales, particulièrement à l’est et au sud-est, dominées par des montagnes élevées et sillonnées de nombreux courants, se détachent de l’ensemble par une fertilité exceptionnelle ; des pâturages aux horizons infinis nourrissent déjà d’innombrables troupeaux de chevaux et de bêtes à laine, et les produits de ces troupeaux alimentent, dans une proportion chaque jour croissante, les manufactures de la métropole. Les efforts de la population coloniale tendent de plus en plus à étendre vers l’intérieur ses établissements, auxquels il faut de vastes espaces : de là ces explorations incessantes dont le rayon a toujours été s’agrandissant.

Et puis, peu à peu, le génie investigateur de la race

  1. Le Tour du Monde a déjà donné le portrait du jeune et savant voyageur, au t. IV de la série, livraison 90 (a. 1861), p. 177.
  2. Dans le Temps du 23 septembre et du 14 octobre derniers.
  3. Nous avons sous les yeux le recueil officiel des notes et des dépêches de l’expédition, publié en Australie à la fin de l’année dernière. Ce recueil est intitulé : The Burke and Wills exploring expedition ; an Account of the Crossing the continent of Australia, from Cooper’s Creek to Carpentaria. Melbourne, 1861, un cahier in-8 de 40 pages, avec des portraits et une carte itinéraire.