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Bon-Secours et du haut en bas de la Nouvelle-Résidence.

Une première question. L’architecture n’est-elle que, l’humble servante de la peinture ? À Munich, on répondrait volontiers oui, à voir tant de murailles cachées sous la couleur et les lignes architecturales réduites à n’être que des cadres de tableaux. Jusqu’à présent je croyais la proposition inverse la bonne, et il me semble encore que ces deux arts mis ensemble pêle-mêle doivent se nuire. Qu’une teinte discrète adoucisse la blancheur mate de la pierre ; que des ornements de bronze ou d’or et un peu de couleur donnent du relief et de la vie aux personnages d’une frise ; que l’architecte enfin mette un diadème au front de son monument, comme il est certain à présent que les Grecs l’ont fait pour le Parthénon, je le comprends. Mais de grandes compositions sur les murs extérieurs attirent tout aussitôt les yeux ; elles provoquent le regard et le retiennent, même quand elles ne le méritent pas ; le monument disparaît, il ne reste qu’un tableau. Un des deux arts est supplanté par l’autre, la forme par la couleur.

En outre, ces peintures en plein vent ne sont-elles pas bien exposées ? On en fait beaucoup en Allemagne. Berlin rivalise, à cet égard, avec Munich. Mais Munich et Berlin ont-ils la sèche et douce atmosphère de l’Égypte et de la Grèce. Déjà en Italie, sous un ciel splendide et clément, elles meurent, même à l’intérieur des édifices. Où en sont à Rome les loges et les chambres de Raphaël ; à Milan, la fameuse Cène de Vinci ? Les Stanze ont déjà reçu le bienfait dangereux d’une double restauration. Aux loges, il a fallu placer des vitrages dans les arcades immenses, et défigurer l’édifice pour sauver les derniers restes des peintures. Une église, à Florence, est déshonorée par un auvent de bois qui abrite une fresque, et le voyageur qui revoit, après quelques années, le Campo-Santo de Pise, mesure avec effroi la rapidité des ravages. Toutes les fresques sont destinées à périr ; combien plus vite dans un climat humide et rigoureux, où les changements de température sont extrêmes. Le granit n’y résiste pas ; la couleur sera-t-elle plus forte ?

La réponse est déjà faite. Les peintures exécutées par Cornélius de 1827 à 1829 sous les portiques de la Nouvelle-Résidence, celles de ses élèves à l’Isarthor et de Rottmann sous les arcades du Bazar s’altèrent et commencent à tomber par place. Un même homme aura pu les voir naître et presque mourir.

L’Isarthor, à Munich.

S’il en doit être ainsi, pourquoi cette inutile dépense de talent et d’argent ? Il est vrai que quelques-unes n’ont coûté beaucoup ni de l’un ni de l’autre, et sont de la peinture évidemment faite à tant la toise, comme on nous en a trop fourni à Versailles, il y a vingt ans[1]. « Celles de la nouvelle Pinacothèque, dit un critique anglais, rappellent assez exactement, pour la conception et l’exécution, ces toiles enluminées qui ornent les devantures des baraques de foire. »

Remarquez bien que ce n’est pas moi qui dis cela, mais un Anglais. Vous allez juger s’il a raison. Voici, par exemple, la description très-exacte d’une de ces fresques : « Les artistes du roi Louis combattant l’hydre du mauvais goût. »

  1. J’y ai vu de grands tableaux payés à de vieux maîtres trois mille francs.