Rosa et se rendaient à Puncullutu ; dans ce chassé croisé, tous échangeaient en passant un salut, un éclat de rire, une gaudriole. Les premiers cheminaient d’un pas titubant ; les seconds trottaient d’un pied leste. Ceux-ci pleins d’illusions s’élançaient joyeux au-devant du but ; ceux-là l’avaient touché et ne rapportaient du voyage que la fatigue et le dégoût d’eux-mêmes. Telle est la vie avec ses versants opposés, me dis-je, à l’aspect de ces indigènes dont une moitié trébuchait et l’autre marchait droit.
Une diane sonnée par des trompettes de fer-blanc arriva jusqu’à nous comme un prélude harmonieux de la fête locale. Nous poussâmes nos montures en prêtant l’oreille à cette fanfare qui s’éteignit bientôt et fut remplacée par un tutti de tambours et de flûtes. Après dix minutes d’un trot rapide, nous arrivions au pied d’une colline entourée de neige. Une centaine d’Indiens y étaient réunis et pelotaient en attendant partie.
Au sommet de cette éminence, un autel avait été dressé avec des planches dont le bois n’était qu’imparfaitement dissimulé par des draperies de ce calicot local appelé tocuyo. Des mouchoirs de cotonnade à carreaux bleus et rouges brochaient agréablement sur le tout. Une carcasse d’osier de figure elliptique, ornée de rubans, de miroirs, de draperies et de drapelets aux couleurs péruviennes, formait une manière de retable à cet autel rustique. Un arbre postiche s’élevait à chacun de ses angles. Si je dis postiche, c’est que ces arbres n’étaient que de simples poteaux fichés en terre et couronnés en guise de feuillage d’une botte de ces roseaux qui croissent au bord des lagunes. On eût dit quatre balais géants. Bien que l’heure fût encore matinale et le froid des plus vifs, les vendeuses de chicha étaient déjà à leur poste, et les amateurs dont la bourse était vide muguetaient autour