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est divisée par de nombreux cours d’eau, frangés de peupliers, qui sortent des gorges effrayantes de l’enceinte, et dont les plus importants sont l’American-Fork, le Timpanagos ou Provo-River, et le Spanish-Fork. Sur la rive la plus prochaine, de l’autre côté du Jourdain, est la petite ville de Léhi, dont les maisons sont à demi cachées par des arbres noirs ; à l’orient de l’Utah, s’perçoit vaguement la cité de Prow, bâtie dans une plaine arrosée par quatre rivières. C’est ainsi que nous apparaissaient les environs de la mer de Tibériade.

Paysages entre le lac Salé et le lac Utah. — Dessin de Ferogio d’après Stansbury.

Le lac Utah, cette autre analogie de la nouvelle Terre sainte avec l’ancienne, est alimenté par les eaux du revers occidental de Wasatch ; il forme un triangle dont la pointe méridionale qui décrit un angle très-aigu détruit la régularité. Sa plus grande longueur est de trente milles, sa plus grande largeur de quinze ; il doit la douceur de ses eaux, qui par parenthèse n’a rien de remarquable, à son affluent septentrional le Piya-Ogwap, autrement dit le Jourdain ou l’issue de l’Utah. À peu de distance du rivage, l’eau a une hauteur de quatre à cinq mètres ; on dit qu’elle repose sur une couche uniforme, très-profonde à certains endroits ; mais il est probable qu’elle n’a jamais été sondée. Où il apparaît, le lit est composé de cailloux, et se recouvre dans les hauts fonds d’une incrustation calcaire. Les coquillages sont nombreux sur les bords, principalement le clam d’eau douce. L’iris du Déséret s’élève dans les tulares à dix pieds de hauteur, et dans les lieux où la roche n’est pas à nu, les taillis sont compactes.

Sur la rive orientale, où manquent les affluents, le sol est aride ; on n’y voit qu’un arbre, un peuplier solitaire qui s’élève d’un tapis de fétuque, d’obione canescens et d’armoise ; et, selon toute apparence, les seuls habitants qu’on y trouve, à l’exception des propriétaires d’un ranch isolé, sont le phrysonome, le lezard, le corbeau et le lepus callotis.

Les eaux du lac Utah gèlent pendant les mois de décembre, de janvier et de février ; à cette époque, le Jourdain charrie des glaçons, mais il est rare qu’il soit pris de manière à ce qu’on puisse le traverser à pied. L’Utah, dans la saison des pluies, s’élève de soixante centimètres, et le flux causé par le vent se fait sentir à un mètre de la rive. Il est toujours très-poissonneux malgré l’abondance et la continuité de la pêche, dont les produits s’enlèvent par tonneaux. La truite blanche y atteint jusqu’à trente livres ; on y prend beaucoup de truites de montagnes, d’espèces variées, dont le poids est de trois livres en moyenne, la truite saumonnée, le chabot, la perche, le brochet, le barbeau y pullulent et y acquièrent une grosseur exceptionnelle ; on y trouve également des serpents d’eau, et le poisson à crins de cheval (horse-hair fish).

Après avoir descendu le revers de la montagne, nous passons le Jourdain, où nous avons de l’eau jusqu’au genou, et dont la largeur est ici de trente mètres. Le courant n’est pas assez rapide en cet endroit pour empêcher le développement des plantes aquatiques. L’eau est d’un jaune de soufre, qu’elle doit à son lit calcaire ; elle est un peu saline, mais non désagréable ; on dit que le bétail la recherche.

En sortant du gué, nous trouvons une longue pente qui sépare le bassin de l’Utah de la vallée du Cèdre qui le borde à l’ouest. À mi-chemin de la Brasserie et de Camp-Floyd est une station tenue par un saint du Shropshire, dont le seul nom, autant que j’ai pu m’en assurer, est Joë Dug-out, nom qui lui viendrait du style de sa demeure, comme pour les Waterson. Il a épousé une jeune femme qui, l’ayant menacé de lui faire couper les oreilles s’il devenait polygame, l’a jusqu’à présent empêché de lui donner une