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lisse et soyeuse : c’est un Malgache. Son angle facial, presque aussi droit que celui de l’Européen, son nez qui ordinairement aquilin ne s’écrase point comme celui du Cafre, ses lèvres généralement épaisses, mais ne manquant ni de finesse ni de proportion, son regard pénétrant et même souvent farouche, sa peau d’un noir olivâtre, tout enfin se réunit pour accuser son origine arabe et malaise. En effet, ce sont les Malais qui, à diverses reprises, ont peuplé Madagascar, ainsi que les populations arabes qui, depuis la haute antiquité, sont venues d’étape en étape jusqu’à la grande île.

On reconnaît, à sa figure cuivrée, le Malais vindicatif, oubliant un bienfait, jamais une injure ; et s’armant au besoin de son arme terrible, le kriss empoisonné.

Les Indiens, dont le nombre s’élève à plus de deux cent mille et va toujours croissant, s’asseyent à terre le long des magasins ou forment des groupes pittoresques. Ils ont remplacé dans tous les quartiers les travailleurs noirs qui, depuis qu’ils sont libres, ne veulent plus rien faire.

La rue Desforges, au Port-Louis.

Les créoles, selon les Européens, comptent invariablement la paresse au nombre de leurs défauts. Sans doute, ils n’ont pas le même degré d’activité et d’énergie que les hommes du Nord, mais il faut s’en prendre à la nature qui les a condamnés à vivre sous une température brûlante et dans un climat énervant. La rue et la place du Gouvernement, la rue Royale, les quais, vus de dix à cinq heures de l’après-midi, témoignent du reste contre cette opinion exagérée qu’on se fait de l’indolence des créoles. Quelle vie, quel mouvement dans cette foule qui va et vient ! pas un seul oisif ; tout le monde est occupé et court à ses affaires. Le flâneur est un type inconnu, je dirai même impossible, faute de curiosités toujours nouvelles comme on en voit dans les grandes capitales. Sauf de rares exceptions, la population entière du Port-Louis obéit à la commune loi du travail.

Le centre des affaires est la place du Gouvernement, sous le feuillage protecteur de hauts multipliant, on se réunit, on discute, on fait des affaires comme à la Bourse de Paris.

Des voitures, à l’heure et à la course, stationnent en grand nombre sur cette place, en compagnie de carrioles, véhicules plus modestes et à la disposition des petites bourses. Ces carrioles, qu’on peut aussi appeler les chars à bancs du pays, sont composées d’une caisse carrée en bois, assise sur deux roues et surmontée d’une tente en toile.

En sortant de la place, on trouve à gauche le théâtre, dont la salle nouvellement embellie et décorée est à peu près grande comme celle du théâtre du Vaudeville, à Paris. Les places y sont bonnes, la distribution est ex-