Page:Le Tour du monde - 07.djvu/124

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composée de couches horizontales, se relie à la terre par un isthme assez étroit.

Il y a dans le pays une tradition qui veut que les cavernes de Maurice aient une communication sous-marine avec l’île Bourbon. À l’appui de cette hypothèse, on a remarqué que le sol voisin du morne Brabant, et la partie de la Réunion qui lui fait face, offrent des analogies aussi marquées que celles que l’on observe dans la formation géologique des parties les plus rapprochées de la France et de l’Angleterre : c’est ce qui a donné lieu à M. Bory de Saint-Vincent de supposer que les deux îles n’en faisaient qu’une dans le principe, et qu’elles avaient été séparées violemment à la suite de quelque cataclysme.

En parcourant la côte jusqu’au pied du morne Brabant, haut de deux mille pieds, on passe par une succession de gorges d’une beauté pittoresque, au fond desquelles coulent des ruisseaux sans nombre dans la saison des pluies.

Gorges de la rivière Noire.

La plaine entre les montagnes et la mer est rongée en beaucoup d’endroits par l’action de l’eau et se continue ainsi jusqu’au morne, dont les côtés sont couverts de jamlongues (syzium jamboloma), lesquels ont survécu seuls aux bois noirs et aux autres arbres qui croissaient là jadis. Près du sommet de ce promontoire, un ruisseau qui ne s’est jamais desséché coule sur un petit plateau longtemps habité par une bande de noirs marrons dont le refuge fut enfin découvert et révélé par un esclave.

Deux routes se présentaient à moi pour aller à la baie du Cap : l’une passe près de l’habitation appelée le Morne, l’une des plus solitaires de l’île, et, après avoir traversé une plaine couverte de gazon et de veloutiers, se prolonge jusqu’à une pointe qui sépare la rivière Noire de la Savane et dont le passage ne serait pas sans danger pour les cavaliers. Il faut donc aller à pied ou sur des mules qui ont le pas plus sûr que les chevaux ; on ne peut songer à construire une route carrossable autour de cette côte, car les escarpements des montagnes qui forment le côté ouest de la baie sont trop accidentés. L’autre route, moins connue et beaucoup plus curieuse, est ce qu’on appelle le passage par Chamarel et Belle-Source. Ce fut celle que je choisis.

Nous laissâmes à gauche un bouquet de vakois[1] dont le feuillage d’un jaune éclatant brillait au soleil, comme ces étoffes luisantes que portent les Indiens ; puis nous gravîmes un chemin escarpé tout bordé d’aloès d’une belle couleur bleuâtre.

En ce lieu on commence à rencontrer des plantes et des arbres appartenant à la flore primitive de l’île, et j’observai cette végétation avec d’autant plus de curiosité, qu’elle

  1. Le vakoi est une espèce de petit palmier dont les feuilles croissent en spirale autour du tronc.