Page:Le Tour du monde - 07.djvu/301

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tremblent sur leurs ais vermoulus, et les coiffures et les mouchoirs sont agités devant l’effigie vénérée.

L’Homo-Deus est attaché sur la croix infamante, devenue, par son supplice, un symbole de rédemption. En narrateur fidèle, nous nous croyons obligé de détailler minutieusement les traits de cette image, et si quelque expression irrévérencieuse se glissait à notre insu dans les phrases que nous sommes contraint d’employer, la faute en serait à la langue française, peu souple et peu malléable de son naturel, plutôt qu’à notre orthodoxie, qui, Dieu merci ! pourrait soutenir l’examen des conciles et défier la flamme des bûchers, si conciles et bûchers existaient encore.

Un reposoir de la Fête-Dieu, à Cuzco (voy. p. 292).

Depuis que Charles-Quint expédia de Cadix, par une caravelle, l’icone vénérée, aucun pinceau profane n’a rafraîchi son coloris primitif. Le temps, la poussière, la double vapeur de l’encens et des cierges, et l’irrévérence des mouches ont changé ce coloris, qui put être brillant, en une teinte d’un roux violâtre. Le sang dont cette image est littéralement jaspée de la tête aux pieds, a pris en vieillissant la teinte du bitume, ce qui donne à l’épiderme du divin crucifié l’aspect d’une peau de panthère. Au point de vue de la statuaire, c’est un bloc de chêne à peine dégrossi, une forme sauvage et presque hideuse, qui rappelle à la fois l’idole indoue et l’écorché classique. Ce Christ, au lieu de la draperie traditionnelle enroulée et volante, porte un jupon en point d’Angleterre qu’un ruban attache à ses hanches et qui descend jusqu’à mi-jambes. Les épines de l’acacia triacanthos, qui forment sa couronne, sont simulées par un entrelacement de pierreries d’un prix fabuleux. Les clous qui le retiennent à la croix sont des émeraudes de Panama, longues de trois pouces, et les lèvres de la blessure qu’ouvrit dans son côté la lance de Longin, sont ourlées