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mètre moindre que la précédente. Cette espèce était nombreuse et souvent difficile à voir, étant, à peu de chose près, de la même couleur que les rochers.

D’autres étaient d’un vert cendré ou noirs, avec des taches cramoisies sur les flancs, et comme ils se promenaient au soleil, ils brillaient d’un éclat extraordinaire.

Un moment après j’étais occupé à examiner les rochers et à essayer d’en arracher quelques morceaux d’un cristal vert jaune. Mes instruments géologiques se déformaient comme du plomb sur cette roche dure comme du métal, quand une clameur soudaine s’éleva près de nous, et j’aperçus deux Kalkas fuyant à quelque distance, les yeux fixés sur un objet placé en face d’eux ; en un moment nous les eûmes rejoints. Ils nous désignèrent, à dix yards devant nous, la cause de leur panique, sous la forme d’un serpent énorme roulé sur un rocher, la tête élevée de huit pouces au-dessus du sol, les yeux rouges comme du feu, et sifflant avec furie. Ils n’ignoraient pas que sa blessure était excessivement dangereuse et ne songeaient qu’à agrandir la distance entre eux et lui.

Vue des rives du Bia (voy. p. 341). — D’après Atkinson.

Je pris ma carabine que je portais en bandoulière et l’abaissai sur le reptile en l’appuyant sur une crête de rocher. Soudain le serpent se cacha la tête dans son trou, nous épiant à travers un repli de terrain. Tcheck-a-boi s’avança de deux ou trois pas ; il leva de nouveau la tête, manifestant sa défiance par des sifflements aigus. Je lui plaçai délicatement la tête derrière le point de mire de ma carabine, pressai la détente et le messager de plomb fit son office. Le corps du reptile bondit hors de sa retraite, mais décapité et se tordant en mille replis. Mes gens sautèrent dessus avec leur fouet ; mais, nonobstant leurs coups redoublés, il fut au moins dix minutes à ne plus remuer. Étendu dans toute sa longueur, il mesurait cinq pieds et demi de longueur sur la tête et quatre pouces un quart de circonférence. Sa couleur était d’un noir brun, avec des marques vertes et rouges sur les flancs. Tout son aspect révélait, si je puis m’exprimer ainsi, un venin mortel. Nous fûmes contraints de continuer notre marche à pied pendant une couple de verstes vu la nature du terrain qui blessait nos montures. Un grand nombre de reptiles de l’espèce grise ardoisée se trouvèrent sur nos pas, ainsi que deux ou trois de l’espèce noire, mais nous n’en vîmes plus des deux autres espèces. Aux rochers que nous venions de traverser succéda bientôt une plaine de sable s’étendant à une distance considérable.

Le jour était avancé, ce qui rendit une course forcée à travers cette lugubre steppe d’une nécessité absolue. De quelque côté qu’on se tournât, on ne découvrait ni herbe ni eau à l’horizon. Il fallait pourtant trouver l’un et l’autre autant que possible avant l’arrivée de la nuit. Après avoir galopé un peu plus de deux heures, nous rencontrâmes des touffes de gazon ordinaire des steppes, mélangées de buissons épineux portant des fleurs jaunes et d’un pourpre foncé, semblables pour la forme et la grandeur à la rose de l’églantier. En continuant notre marche en avant, nous ne fûmes pas longtemps à aborder une vallée courant à l’ouest, au fond de laquelle un ruban d’un éclat argenté indiquait la présence du liquide que nous cherchions. Les chevaux dressèrent l’oreille et allongèrent le cou en descendant la vallée tapissée d’herbes vertes. Nous tournâmes vers l’endroit le plus rapproché, où nous découvrîmes de la bruyère croissant sur la rive de la rivière. Moins d’une heure après, cha-