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partements intérieurs. Ordinairement ils remplissaient le rôle de bouffons ; les plus difformes, les plus hideux étaient les plus appréciés.


Histoire de Roxelane.

Soliman le Magnifique, qui avait rempli le sérail des plus belles femmes de l’univers, eut deux favorites. La première était une Géorgienne apathique et simple d’esprit ; elle lui donna un fils, héritier de l’empire, et fut bientôt délaissée pour la célèbre Roxelane. Celle-ci, née à Sienne, en Italie, était de race noble : des pirates barbaresques pillèrent le château où elle demeurait au bort de la mer, et l’emmenèrent après avoir égorgé toute sa famille. Celui qui l’avait eue pour sa part de prise alla la vendre à Constantinople, et le kislaraga l’acheta pour le sérail. Elle avait alors seize ans. Sans doute elle oublia facilement sa naissance et les sentiments dans lesquels elle avait été nourrie, car elle attira l’attention du sultan, moins par sa beauté que par son humeur vive et enjouée. Soliman, charmé de sa gaieté, la surnomma Kourrem (joyeuse), et, dans le sérail, on l’appela Kourram-Sultane. Les traducteurs ont fait de ce nom Roxelane, sans se soucier de l’étymologie.

La porte des salutations[1] (voy. p. 2). — Dessin de Karl Girardet d’après M. Adalbert de Beaumont.

La vie de cette favorite contraste étrangement avec son nom ; elle continua la série des crimes domestiques dans laquelle la maison ottomane a dépassé les forfaits classiques de la race d’Agamemnon, et ses lèvres souriantes prononcèrent plus d’un arrêt de mort. Elle avait donné au sultan quatre fils et plusieurs filles. Souveraine absolue dans le sérail, elle ne craignait aucune rivale. Pourtant l’ambition de Roxelane n’était pas satisfaite ; elle voulait devenir la femme légitime de l’empereur son maître.

Depuis que les sultans régnaient à Constantinople, ils n’avaient donné à aucune femme le titre d’épouse ; leur politique ombrageuse n’admettait que des esclaves dans le harem impérial. Leurs favorites n’avaient aucun privilége, aucun droit ; seulement celle qui, la première, leur donnait un fils prenait le titre d’hassaki (qui appartient au padischa) ; le titre de sultane était réservé à la

  1. « L’Orta-Capoucou qu’on nomme aussi Bab-us-Selam, porte des Salutations, crénelée et flanquée de deux tourelles à meurtrières et mâchicoulis, comme les portes de ville au moyen âge. Sous l’épaisse voûte de cette porte, qui forme ainsi une sorte de salle décorée d’armes antiques, on exposait de temps immémorial les têtes des malheureux que la politique autrefois soupçonneuse et inflexible du Divan vouait à la mort. En sortant de la salle du trône, en quittant le bâtiment nommé Séjour de félicité, sur un signe du sultan au chef des eunuques noirs, les disgraciés recevaient là ce fameux cordon de soie des mains du bourreau, dont le logement est toujours placé de même à gauche de l’entrée. »

    Adalbert de Beaumont.