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cienne famille royale des Micmacs. On assure qu’il jouit d’une grande considération auprès de ses compatriotes. Il sait ce qui est dû de déférence au sang d’où il sort ; mais il est particulièrement harcelé par les soucis d’une situation de fortune très-gênée. Quelques sous qui lui furent offerts pour acheter du tabac et qu’il accepta avec empressement, commencèrent notre connaissance. Plus tard il voulait bien agréer aussi plusieurs charges de poudre et de plomb qui lui servirent à nous apporter des perdrix. De toute sa bande, ce prince était incontestablement le plus négligé dans sa toilette. Il portait à la vérité, et en tout temps, un-habit noir, mais fort éraillé, ouvert en plus d’un endroit et auquel il ne restait plus qu’un seul et unique bouton. Son pantalon était dans un désarroi complet, son chapeau n’avait plus de fond. Gougou, veuf depuis quelques années, manifestait l’idée de convoler en secondes noces, mais il avouait qu’il lui était difficile de trouver un parti, ne possédant au total que son chapeau, son pantalon et son habit noir. Il paraît que le prestige de son origine ne suffisait pas pour lui faire faire un mariage d’argent dans sa tribu, de sorte qu’il est à craindre que la famille souveraine des Mic-macs ne s’éteigne en lui.

Bientôt nous nous mîmes en route pour la France.

Navires pris dans les glaces à la baie de Kripon. — Dessin de Le Breton d’après une photographie.

Sept à huit chiens de Terre-Neuve que nous avions à bord prenaient les choses plus gaiement que personne. L’agitation de la mer les jetait dans une extase visible. Crispés sur leurs jambes, les oreilles dressées, les yeux ardents, ils regardaient la vague avec une ardeur de convoitise extrême, et, pour un peu, se seraient précipités dans son sein, qui n’eût pas manqué de les engloutir immédiatement.

Enfin, au milieu d’une belle nuit, nous nous trouvâmes entourés de lumières mobiles qui brillaient et s’éclipsaient de toutes parts au milieu des ténèbres. C’étaient les feux des côtes de France, et le lendemain, de grand matin, nous donnions dans le goulet de Brest[1].

Le comte A. de Gobineau.



  1. Voyez sur l’industrie de la pêche à Saint-Pierre et Miquelon un rapport de la commission instituée pour rechercher et classer les articles de l’industrie locale et les produits naturels des îles Saint-Pierre et Miquelon, susceptibles d’être envoyés à l’exposition permanente des produits coloniaux, à Paris. (Revue maritime et coloniale, 1862, t. VI, p. 338.)