le chorévêque Georges et le diacre Cyrus, au nom des fermiers, des laboureurs et des fruitiers de l’endroit. »
Oum-el-Awamid, situé à trois ou quatre heures au sud de Sour, est peut-être l’endroit de la Syrie où l’antiquité phénicienne est le mieux conservée. « Trois points, dit M. Renan, y attirent d’abord l’attention : 1o une acropole dominant la plaine et où se détachent des colonnes d’ordre ionique ; 2o une construction égyptienne située à quelques minutes de là ; 3o un grand nombre de maisons dont le mode de construction parut à M. de Vogue rappeler celui des monuments cyclopéens. » Toutes les constructions de l’acropole portaient les traces des plus grands désordres : aucune colonne n’était en place. La construction égyptienne fut ensuite consciencieusement étudiée : sur les débris qui l’entouraient se voyaient tous les emblèmes empruntés à l’Égypte : globe ailé entouré de serpents, etc., etc. Au milieu des soi-disant monuments cyclopéens, on fit une des découvertes les plus importantes de la mission : celle de trois inscriptions phéniciennes. « Une de ces inscriptions, dit encore M. Renan, est parfaitement conservée : c’est un vœu d’un certain Abd’-Élim, fils de Mathan, fils d’Abd’-Élim, fils de Baalschamor, au dieu Baal-Schemesch (Baal-Soleil). Une autre est un vœu d’un certain Abdeschmoun à Astarté. La troisième se lit sur le bord d’un objet elliptique, évidé et divisé dans la partie concave par des rayons partant d’un simple foyer. »
Le nom antique d’Oum-el-Awamid est resté un mystère ; tout ce qu’on peut supposer de l’histoire de cette ville, c’est qu’elle dut renouveler les monuments de son acropole à l’époque d’Alexandre, alors que le goût grec commença de prévaloir en Syrie, et qu’elle fut détruite au temps des Séleucides.
Sour n’est plus qu’une petite ville habitée par des pêcheurs. Saïda conserve plus d’importance. Ses habitants, fanatiques et à demi fous, forment une des populations les plus désagréables de la Syrie. Parmi eux se trouve une espèce de savants qu’on ne doit plus rencontrer aujourd’hui qu’à Sidon : les alchimistes.
Les chercheurs d’or, en effet, y sont nombreux : les uns, poursuivis par le vieux rêve qui tourmenta le moyen âge comme un cauchemar, cherchent la pierre philosophale ; les autres, moins savants, mais plus positifs, violent les tombes et dévalisent les trépassés.
À Djébel, un Arabe nommé Iacoub-al-Kouri pouvait passer pour le type du chercheur d’or. On ne saurait avoir une idée de sa maigreur qu’en tâchant de se figurer ce que pourrait être un squelette à jeun. Sa fille, une sorte de petite goule dont les yeux faisaient l’effet de deux pains à cacheter noirs sur du parchemin, grattait avec lui la poussière humaine au fond des tombes. Jamais croque-mort — et c’est le mot — ne s’était adjoint un plus lugubre acolyte. Iacoub ne sortait pas des nécropoles : quelquefois cependant on le voyait, une pioche sur le dos, dans la campagne, en quête d’un cadavre comme le parasite d’un repas. Tout d’un coup il s’arrêtait, humait l’air et se mettait à creuser pendant une heure ou deux : le cadavre était là. Une seule chose échappait à Iacoub, chose essentielle pour un antiquaire : la date de l’enterrement de sa victime. Il croyait tomber sur un patriarche, et n’exhumait qu’un contemporain. Je l’ai vu ainsi, après le travail le plus opiniâtre, retrouver quelques anciennes connaissances à lui, ou de vieux amis qu’il avait oubliés.
L’Italie, après chacune de ses tourmentes politiques, jette ses proscrits sur les côtes de la Méditerranée, comme celle-ci des épaves à la suite d’une tempête. Plusieurs sont venus s’échouer en Syrie. L’un, jeté à El-Batroun, y a appris aux petits enfants sa langue maternelle, qu’il parlait bien, et le français, qu’il ignorait totalement. Deux autres sont arrivés à Djébel. Le premier, marin à l’occasion, cavalier quand il le faut, docteur au besoin, habite le pays depuis vingt-deux ans. C’est un vieillard à moustaches blanches, important gouailleur, pauvre comme Job, fier comme Pyrgopolinicès, Italien jusqu’au bout des ongles, bonhomme au fond. Je le vis pour la première fois au bord du Narh-Ibrahim (fleuve d’Adonis). On venait d’étaler devant nous, sur l’herbe, le déjeuner : trois olives, une galette, deux oranges. Nous étions six, et j’avais une faim à manger tout ce qui restait de la Phénicie. Francesco, cet Italien, parut sur le haut d’un pont arabe, vêtu d’une redingote bleue, d’un pantalon jaunâtre dont les extrémités se perdaient dans une paire de bottes rouges, la tête couverte d’un couffi aux mille couleurs, et fort gêné dans ses mouvements par trois paires de pistolets, un long sabre, une carabine, deux tromblons et quelques poignards. Il venait nous complimenter sur notre arrivée. Après avoir servi l’Égypte, la Turquie, la Grèce, le caïmacan, le pacha, Mustapha Gannoum, Jousset Karam, Francesco fut adopté par la compagnie. Aujourd’hui que le voilà orphelin, sa situation doit être bien