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Mme Beretta, pour nous ramener en Occident, proposa d’aller voir l’église de Baloukli et ses poissons miraculeux.

Une dame arménienne. — Dessin de M. A. Proust.

Le projet adopté, notre petite caravane s’ébranla, traversa Eyoub, longea les vieux murs de Constantin et mit pied à terre à l’entrée du couvent byzantin.

Ce monastère est à moitié ruiné ; les longs rameaux de la vigne et les bras nerveux du lierre s’entrelacent pour soutenir ses murailles chancelantes ; on soulève, pour entrer, ce rideau de verdure comme une portière, et on sent, dans la cour, trembler sous ses pas les dalles disjointes.

Je ne pénètre jamais, madame, sans émotion dans un édifice démantelé ; mais mon émotion vient moins de l’impression causée par la ruine, que de la crainte en apparence puérile d’y trouver des réparations. J’ai horreur des raccommodages. Pourquoi, en effet, mettre des pièces aux vieilles choses qui n’ont plus de raison d’être ?

Laissons les vieux édifices tomber d’eux-mêmes ; admirons-en la poésie, mais n’essayons pas de les relever. C’est là le défaut du couvent de Baloukli, comme de bien d’autres ; la croyance s’en va ; on fait des miracles pour la retenir. Triste charlatanisme !

Le miracle de Baloukli est l’Agiashma, la source sainte.

Au moment où Mahomet II entrait dans la ville des Empereurs, dit la légende, un moine de Saint-Basile faisait frire des poissons, et une voix, une voix d’en haut, lui dit :

« Laisse là ta poêle, moine, car la ville est prise par les Turcs.

— Quand ces poissons ressusciteront, quand ils sauteront hors de la poêle, je te croirai, » répondit le moine.