Page:Le Tour du monde - 08.djvu/160

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Les poissons ressuscitent, les poissons sautent hors de la poêle et se mettent à nager dans la fontaine de Baloukli.

Ladite légende coûte deux piastres avec une image, et le moine crasseux qui la vend ajoute, en vous menant près de la fontaine : « Idos psari, eflendi (vois les poissons, effendi). » Mais ces poissons sont d’intelligents poissons, et ils ne montrent leur côté rouge, le côté grillé, que si vous jetez dans le bassin une pièce d’argent.

Moines du couvent de Baloukli. — Dessin de M. A. Proust.

Ce petit commerce rapporte chaque année une somme assez ronde, qui ne sert pas à décrasser les moines, mais à surcharger d’ornements grotesques la Panagia, la vierge, la toute sainte.

Quand nous sortîmes de Baloukli, le soleil descendait rapidement vers l’horizon. De grandes bandes violacées traversaient le ciel au-dessus de Constantinople, les coupoles des mosquées étincelaient sous les derniers rayons ; nous prîmes congé de nos hôtes et gagnâmes Péra.

Aujourd’hui, c’est du café des tériakis (fumeurs d’opium) que je vous écris cette lettre.

Jacques déguste un sorbet au hatchich. Puisse ce breuvage prolonger ses doux rêves !

Quant à moi, permettez, madame, que je vous adresse mes meilleurs téménas.

Ant. Proust.