Page:Le Tour du monde - 08.djvu/196

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chargé de représenter le chérif, et lui donna les instructions voulues pour la résistance factice qu’il devait opposer ; on l’entoura, comme l’était le chérif, de nègres, de Touaregs, etc. Tout étant disposé, l’attaque eut lieu. Le groupe du chérif fut poursuivi, cerné, et on se jeta sur le chef pour le faire prisonnier. Fidèle à la consigne donnée, le chérif fictif fit semblant de résister ; en un clin d’œil on le saisit, on le terrassa, et alors, pour de bon, chacun le gratifia d’un vrai coup de poing, de bourrades, de coups de plat de sabre, au milieu d’éclats de rire fous. En vain le malheureux se débattait contre l’avalanche, criant : « Assez ! assez ! » les coups pleuvaient toujours et les rires continuaient, jusqu’à ce qu’à la fin il se mit à hurler qu’il n’était pas le chérif et qu’il demandait grâce. On le laissa, il était moulu. Il jura qu’on ne l’y reprendrait plus, mais s’arrêta au milieu de son serment en se voyant mettre dans la main une poignée de douros par M. Couverchel.

Le 28 mars, le départ eut lieu dès la pointe du jour. Suivant l’habitude prise en quittant les points où il y avait de l’eau, la cavalerie se mit en marche à dix heures, après avoir abreuvé ses chevaux. Les guides reçurent l’ordre de nous conduire de manière à aller couper l’Oued Metlili plus en avant, afin de trouver des campements nouveaux, où le drinn et le bois seraient par suite plus abondants.

Le ksar el Madhy. — Dessin de M. de Lajolais.

Nous ne ferons pas l’itinéraire de ce retour ; nous n’en raconterons que les faits saillants. Par Suite de l’insolation et des fatigues de la route, plusieurs hommes furent pris du délire et nous maintinrent en éveil pendant les nuits de bivac par leurs cris furieux.

Le ksar Raçoul. — Dessin de M. de Lajolais.

Le 30, après avoir forcé notre marche, notre bivac fut installé à six lieues de Metlili seulement. Pendant les trois jours précédents, la chaleur avait été inouïe, et des coups de siroco avaient desséché une grande partie de nos outres. Lorsque le camp fut installé, l’eau manquait à tout le monde ; il fut nécessaire de faire usage de nos réserves, et de rationner hommes et chevaux. Des précautions militaires furent prises pour empêcher le pillage de l’eau par les convoyeurs altérés, mais nos efforts furent vains pour garder les peaux de bouc ; heureusement nos barils nous sauvèrent d’un désastre. Les peaux de bouc de la réserve, qui conservaient un peu d’eau, furent enlevées en un clin d’œil ; on se les disputait, on se les arrachait malgré nos efforts. Nos barils trop lourds pour être enlevés aisément, purent être défendus. La répartition se fit ensuite avec calme, et chaque homme put boire. Les chevaux n’eurent chacun que quinze litres d’eau, ce qui était loin d’être suffisant, mais leur permettait d’attendre au lendemain matin.

Le 31, le départ du goum eut lieu à deux heures du matin, et à sept heures tous nos chevaux étaient abreuvés aux premiers puits de Metlili.

La tour et l’intérieur des murailles du ksar Raçoul. — Dessin de M. de Lajolais.

Ces quatre jours nous avaient horriblement fatigués ; nous avions près de soixante malades dans la colonne ; il nous était mort près de quarante chameaux en route et des meilleurs. Cette mortalité devait être attribuée, d’après nos Arabes, aux eaux d’Ouargla. Outre cette perte, deux cents chameaux étaient restés en arrière. L’influence de la maladie nous poursuivait. Cette influence, aggravée par le jeûne, par le soleil et par notre marche de quatre jours, menaçait de nous encombrer davantage de malades et de nous enlever encore nombre de chameaux. Aussi, un repos de quatre jours pleins à Metlili fut-il résolu.

Avec quel bonheur nous retrouvâmes nos ombrages