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Triste fragilité des choses humaines ! Que de siècles et de milliers de générations ont passé là, dont rien probablement ne nous dira jamais l’histoire ; que de richesses et de trésors d’art demeureront à jamais enfouis sous ces ruines ; que d’hommes illustres, artistes, souverains, guerriers, dont les noms dignes de passer à l’immortalité ne sortiront jamais de l’épaisse couche de poussière qui recouvre leurs tombeaux !

Façade septentrionale d’Ongkor-Wat. — Dessin de Guiaud d’après M. Mouhot.

Tout le sommet du mont est couvert d’une croûte de calcaire qui a été taillé de manière à offrir une vaste surface plane. À des espaces réglés, se trouvent quatre rangs de trous carrés assez profonds et en face les uns des autres ; dans quelques-uns sont encore debout des colonnes carrées également, qui devaient supporter deux toits, et former une galerie qui conduisait de l’escalier à l’édifice principal et dont deux bras transversaux reliaient également quatre tours avancées. Ces dernières sont construites, partie en briques, partie en grès. À en juger par le travail des détails, et surtout par l’état de vétusté de la pierre qui se réduit en poussière sous les doigts en maints endroits à l’extérieur, cet édifice aurait une origine de beaucoup antérieure à celle de quelques autres monuments ; l’art était alors dans son enfance comme la science ; les difficultés étaient surmontées, mais on voit que ce n’était pas sans de grands efforts de travail et d’intelligence. Le goût était déjà grand et beau, mais le génie, la volonté et la force faisaient un peu défaut ; en un mot, le temple du mont Ba-Khêng paraît avoir été un des préludes de cette civilisation comme Ongkor-Wat en aurait été plus tard le couronnement.

À six ou sept kilomètres au nord-ouest du temple, gisent les ruines d’Ongkor-Thôm, l’ancienne capitale. Un bout de chaussée, en partie détruite, cachée sous un épais lit de sable et de poussière et traversant un large fossé bordé de débris de pierres, de blocs, de colonnes, de lions et d’éléphants, conduit à la porte de la ville, qui a la forme et les proportions d’un arc de triomphe.

Ce monument, assez bien conservé, est composé d’une tour centrale haute de dix-huit mètres, entourée de quatre tourelles et flanqué de deux autres tours avec galeries se reliant ensemble.

Au sommet se trouvent placées quatre énormes têtes dans le goût égyptien.

Tout le reste est chargé de sculptures. Le pied de la grande tour est percé d’une voûte qui permet le passage aux chars et de chaque côté de laquelle on a ménagé dans les murs deux ouvertures pour les portes et les escaliers qui font communiquer les tours entre elles et avec les murailles. L’édifice tout entier est construit en pierre de grès. La grande muraille d’enceinte est formée de blocs de concrétions ferrugineuses, et s’étend à droite et à gauche de la porte.