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droit à la bête que j’avais tirée d’abord, la seule qui, probablement, eût été frappée. J’ai raconté ce fait pour montrer qu’il y a peu de risque à courir de la part d’un troupeau nombreux.

C’est parce qu’il est excessivement rapide que le buffle est si redoutable. Une fois je m’étais approché, en rampant, de quelques-uns de ces animaux qui étaient couchés dans l’herbe. À force de précautions, mettant à profit tous les avantages que les lieux pouvaient m’offrir, j’avais gagné un arbre fourchu qui se trouvait à vingt pas de ces quelques buffles. Arrivé là, je sifflai pour éveiller leur attention, mais tout bas pour ne pas les alarmer. Ils se levèrent lentement. Je tirai la plus belle bête en pleine poitrine, c’était une femelle, et d’un bond je gagnai les branches, d’où je fus lancé avant de les avoir saisies, par le choc furieux de la bête, qui, rapide comme la fondre, s’était presque brisé le crâne en se heurtant contre mon arbre ; elle roula morte au pied de celui-ci, le cœur traversé d’une balle. »


Départ pour l’intérieur de l’Afrique. — Chasse à la girafe. — Traversée du désert. — Rhinocéros. — Harrisbuck. — Arrivée chez Mossilikatsi. — Mis en quarantaine. — Souvenirs de chasse : babouins, panthère, colère d’un éléphant. — Perdu au milieu du fourré. — Départ du territoire de Mossilikatsi. — Poursuite d’un serpent. — Buffles et girafes. — Noël au désert.

Baldwin était parti au mois de mai 1857 avec l’intention de chasser dans l’intérieur de l’Afrique ; il avait franchi les Drakensbergs, traversé la république d’Orange, et s’était arrêté chez un boer du Transvaal, à qui autrefois il avait rendu service. Arrivé là, notre chasseur vit ses bœufs et ses chevaux en si mauvaise condition, l’herbe si rare, la route si longue, qu’il se décida à remettre ses projets à l’année suivante, confia ses chevaux et son attelage au boer qui l’avait reçu, et partit pour regagner le Natal.

Chemin faisant, il rencontra par hasard un M. Vermaas, qui allait dans le Mérico ; il le suivit avec l’intention de chasser la girafe sur les confins de la république transvaalienne. Mais le fils de M. Vermaas arrivait du centre ; il y avait tué vingt éléphants superbes ; à la vue du bel ivoire qu’il rapportait, Baldwin résolut de partir immédiatement pour le pays où l’on se procure cette matière précieuse. Il s’entendit avec un boer nommé Swartz, qui se préparait à gagner les bords du Limpopo, alla sur l’heure chercher ses équipages, revint en toute hâte, et se dirigeait le 15 septembre avec ses nouveaux compagnons vers la région lointaine où se sont retirés les éléphants.

Je tenais mon fusil d’une main.

Avant d’arriver là, il fallut chasser pour vivre. « Le 19, écrit notre héros, John et Swartz étaient de bonne heure en quête d’un tsessébé ou d’autre chose. Ils nous rejoignirent à l’endroit où nous avions dételé, mais ils n’apportaient rien, et il ne se trouvait pas une bouchée de viande au camp. Je pris une tasse de café, un biscuit et nous partîmes ; il nous fallait une girafe. Je montais Bryan, un grand cheval étroit, d’une longueur remarquable, ayant un cou de brebis, le poil bleu, une allure dégingandée, beaucoup de ressemblance avec la bête que nous allions poursuivre. Il pèse à la main, a la bouche extrêmement dure ; mais la poitrine profonde, l’épaule très-large, et certaines qualités qui font oublier sa laideur. Six indigènes que nous rencontrâmes bientôt nous dirent qu’ils avaient croisé la piste fraîche d’une troupe de girafes, et rebroussèrent chemin pour nous la montrer. Nous suivîmes les traces pendant quatre milles, sur un terrain pierreux, couvert de broussailles, gravissant toutes les hauteurs pour découvrir la bande, et revenant sur la piste où nous marchions aussi vite que le pas des Cafres le permettait. Le premier de tous je reconnus à cinq cents pas un détachement de sept ou huit bêtes ; mais ayant sifflé pour en avertir Swartz, je les vis détaler avec une vitesse prodigieuse. Nous partîmes à toute bride, et franchissant les buissons et les pierres, je finis par gagner les fugitives. Je n’en étais pas à vingt yards, lorsque Bryan s’arrêta court, tremblant de tous ses membres, ayant peur de ces grandes bêtes à l’allure maladroite. Je l’éperonnai d’une façon vigoureuse, et lui fis tenir le dessus du vent pour l’empêcher de sentir la girafe, dont les émanations très-prononcées effrayent les chevaux qui n’en ont pas l’habitude. Nous débouquâmes dans la plaine, Swartz à quarante ou cinquante pas de la bande, moi derrière lui, à peu près à la même distance. À la vue d’un autre cheval, Bryan reprit courage ; il bondit, fut immédiatement à côté de celui qui le distançait, prit la tête et allait fondre sur les girafes, quand elles se rembuchèrent. Peu de temps après, Swartz détournait une femelle et je fixais mon choix sur un mâle superbe. Celui-ci, la queue en spirale, fuyait en bondissant, parcourant d’un saut l’espace que je ne pouvais franchir qu’en trois pas. Bryan se précipitait, sans souci des épines, écrasant tout devant