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VOYAGES DANS LE HARZ.




II

PROMENADES DANS LE HARZ,

PAR M. STROOBANT[1].
1862. — TEXTE ET DESSINS INÉDITS.




Cathédrale de Halberstadt (suite). — Tombeaux anciens. — Église de Notre-Dame. — Ovation faite à un prince allemand.

La cathédrale primitive avait été construite par Charlemagne et détruite au douzième siècle par Henri le Lion, duc de Saxe et de Bavière, qui assiégea la ville, la prit d’assaut et ruina dans un immense incendie plusieurs églises et quatre monastères. Les prêtres et la foule des fidèles qui s’y étaient réfugiés périrent dans les flammes.

L’église de Notre-Dame, du côté opposé de la place, est un des monuments byzantins les mieux conservés de l’Allemagne ; les anciennes peintures à l’intérieur de l’église ont été restaurées récemment, mais d’une manière très-incomplète.

La ville a généralement un aspect calme et silencieux. Cependant j’y fus témoin d’un événement qui prouve combien cette population peut être susceptible d’enthousiasme quand ses passions politiques sont excitées.

Une nuit je fus réveillé en sursaut par une grande rumeur ; je me levai à la hâte, j’ouvris ma fenêtre et je vis un grand nombre de personnes entourant une voiture arrêtée devant l’hôtel du Prince-Eugène. Deux personnes en descendirent, et aussitôt mille bras se levèrent et un cri formidable sortit de toutes les poitrines. Quelques instants après, j’entendis des pas dans les corridors de la maison, puis le calme se fit, et la foule se retira silencieuse. Le lendemain matin, on m’apprit que l’on avait acclamé le duc de Saxe-Cobourg-Gotha, qui arrivait à Halberstadt pour y passer en revue le régiment des cuirassiers prussiens dont il est le colonel.

« On aime donc bien le duc ? dis-je à la personne que je questionnai.

— Oh ! oui, monsieur ; on aime le prince parce que c’est un homme libéral. »

Pendant toute la journée la ville fut en fête, et, le soir, plusieurs sociétés chorales donnèrent au prince une de ces sérénades allemandes dans lesquelles le dialogue aux allusions politiques a plus d’importance que la partie musicale. Les vieilles bannières déployées dominaient la foule et cent flambeaux éclairaient cette scène vraiment originale. Les Thurners, dans leur costume pittoresque, applaudirent avec enthousiasme un discours que leur chef prononça d’une voix forte et vibrante.

Je quittai Halberstadt le lendemain, bien décidé à y revenir après avoir parcouru les montagnes du Harz inférieur.


III
Quedlinbourg. — Le château. — Église de Quedlinbourg ; crypte ; origine du monastère ; sépulture des abbesses ; momie de la belle Marie-Aurore, comtesse de Kœningsmark. — Maison de Klopstock.

Anciennement une voiture conduisait en deux heures à Quedlinbourg ; aujourd’hui on y va moins vite en chemin de fer. On m’a bien certifié que cela n’arrivait pas toujours ainsi ; mais j’ai parcouru cette route plusieurs fois et j’affirme qu’il n’est pas possible de trouver en aucun pays du monde un chemin de fer dont le service soit plus lent.

Le château de Quedlinbourg est bâti sur un rocher de grès. Dans l’église, dont quelques parties sont très-anciennes, on voit une crypte du dixième siècle des mieux conservées. Les chapiteaux des colonnes sont d’une rare richesse de dessin ; ils offrent, ainsi que quelques restes de pavement, un grand intérêt pour l’étude archéologique. Si je ne craignais de me mettre en contradiction avec les renseignements qui m’ont été fournis, j’attribuerais la construction de certaines parties du monument à une date plus reculée. Un petit portail gothique, qui sert d’entrée à l’église souterraine, est d’un caractère saisissant. Devant l’ancien autel se trouvent les tombeaux de Henri l’Oiseleur et de l’impératrice Mathilde, protectrice du couvent, qui s’y retira après la mort de son mari[2]. « Ce monastère fut, à ce qu’il paraît, édifié lentement. Commencé en 937, aussitôt après la mort de Henri Ier, il ne fut achevé et dédié qu’en 1021, en présence de l’empereur Henri II et de l’impératrice Cunégonde. L’acte de cette cérémonie contient des détails précieux : la basilique et le grand autel (supremum) furent consacrés par l’évêque de Halberstadt ; l’autel du milieu de l’église (in medio ecclesiæ), par l’archevêque de Magdebourg ; celui du milieu (australe), par l’évêque de Paderborn ; celui du nord (aquilonare), par l’évêque de Misnie. La manière dont les deux derniers autels sont désignés et le nom de basilique dé-

  1. Suite et fin. — Voy. pages 49 et la note 2, et 62.
  2. De l’art en Allemagne, M. Fortoul.