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conseil, composé des ministres et de tous les membres de la famille impériale.

Cet acte d’accusation est d’autant plus remarquable, que le principal point en est l’attentat de Toung-Cheou, dirigé par le prince de Y, et qu’ainsi le manque de foi vis-à-vis des gouvernements européens est imputé comme un crime aux plus puissants personnages de l’empire.

Un tel langage mis dans la bouche du jeune souverain qui venait de monter sur le trône, les termes dans lesquels il est parlé dans ce document solennellement adressé à tout l’empire de ces nations étrangères si méprisées jusqu’alors, dénotaient un changement complet dans l’esprit de ce gouvernement, représenté si longtemps et à juste titre comme l’ennemi irréconciliable de toute civilisation nouvelle.

Voici le résumé de l’acte d’accusation :

1o Avoir amené la destruction de l’armée mongole, et avoir fait mettre en doute par les étrangers la bonne foi du souverain ;

2o Au lieu de chercher un dénoûment pacifique, n’avoir su imaginer qu’un guet-apens, dont le résultat a été de déshonorer l’empire aux yeux des Européens, et de justifier de terribles représailles, entre autres l’incendie du palais d’Été ;

3o Avoir manqué de respect à l’autorité de l’empereur, en se servant de choses à son usage, en buvant dans sa coupe, etc., etc.,

4o Avoir commis le crime de lèse-majesté, en s’arrogeant des prérogatives réservées à la personne sacrée du Fils du ciel, etc. »

Pékin : Légation française. — Yamoun du secrétaire. — Dessin de Thérond d’après une photographie.

Le 7 novembre au soir, la sentence de condamnation fut prononcée : les trois chefs de l’ancien conseil de régence devaient subir la mort lente, c’est-à-dire être coupés en morceaux membre par membre !

C’était la pénalité appliquée par la loi chinoise, dont le Tsing-Pou est le dépositaire, aux crimes dont ces malheureux avaient été convaincus.

Cependant la peine fut commuée, et un des princes de la famille impériale porta aux princes de Y et de Tchun, dans la prison honorable[1] où ils étaient détenus depuis leur arrestation, le décret de clémence qui leur permettait de se donner la mort eux-mêmes avec la ceinture de soie destinée à cet usage.

À la même heure (9 novembre 1861), Sou-Chouen, qui n’avait pas obtenu cette faveur réservée aux membres de la famille impériale, avait la tête tranchée sur une des places de la ville chinoise, lieu habituel des exécutions des plus vulgaires criminels ! Ce vieux mandarin resta impassible devant la mort. Assis stoïquement dans la

  1. La prison honorable est une geôle particulière réservée aux membres de la famille impériale.