Page:Le Tour du monde - 09.djvu/312

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pris femme chemin faisant. Bombay lui seul était resté célibataire. Devenu amoureux d’une jeune fille qu’il a vue au passage, il a eu le malheur de mettre Baraka dans la confidence, et celui-ci, bien assuré que son collègue n’arriverait pas gratuitement à la réalisation de ses vœux, s’était mis à espionner de près toutes ses démarches. Bombay, en effet, pour satisfaire aux exigences de son futur beau-père, paraît avoir détourné, avec l’assistance de quelques-uns de mes gens, cinq paquets de fil d’archal, une couverture rouge, et cinq cents cordons de verroteries. Aujourd’hui, tous deux se sont grisés, et dans leurs violentes altercations la vérité s’est fait jour. Je la démêlai à grand’peine à travers leurs explications contradictoires, mais Bombay a fini par convenir de ses torts, les rejetant sur la violence de sa passion, l’avidité du père de sa bien-aimée, l’exemple de ses camarades, etc. Au fond du cœur, tout en le blâmant, je ne pouvais m’empêcher d’apprécier la sincérité de ses aveux ; mais j’ai dû — la bonne politique le voulait ainsi — féliciter tout haut Baraka de la subtilité avec laquelle il avait surpris les larcins de son camarade, larcins d’autant plus coupables qu’ils tournent au détriment de la communauté, puisqu’en fin de compte, les dépenses de voyage une fois payées, l’excédant des marchandises doit être fidèlement distribué entre tous mes compagnons. Au fond, Baraka n’est pas plus irréprochable que Bombay, et ce dernier n’a pas manqué de m’en fournir d’irrécusables preuves. J’ai tâché de les réconcilier l’un avec l’autre, bien décidé dorénavant à veiller moi-même sur mes verroteries.

Indigène de l’Ounyamuézi. — Dessin de Émile Bayard.

12 et 13 nov. — Bombay, complétement revenu à lui, s’est jeté à mes pieds, puis à ceux de Grant, protestant que j’étais son ma pap (son père et sa mère), qu’il me doit toute sa prospérité, que s’il a péché, c’est faute de meilleurs enseignements, mais que si je lui pardonnais, etc., etc. Puis, réconforté par quelques bonnes