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talière un spectacle de gladiateurs. Force gens de Nocera s’étaient rendus à la fête, une querelle s’ensuivit (probablement provoquée par la rivalité municipale, éternelle plaie de l’Italie), et des paroles on en vint aux coups de pierres, même aux coups d’épée ; il y eut des blessés et des morts. Moins nombreux, les gens de Nocera furent battus et allèrent se plaindre à Rome. L’affaire fut soumise à l’empereur qui la renvoya au sénat, qui la renvoya aux consuls, qui la renvoyèrent au sénat. Vint enfin la sentence : les spectacles furent interdits à Pornpéi pour dix ans. Une caricature qui rappelle ce châtiment a été retrouvée dans la rue de Mercure.

Amphithéâtre de Pompéi. — Dessin de Thérond d’après un dessin communiqué.


VII

L’ÉRUPTION.

Le déluge de cendres. — Le déluge de feu. — La fuite des Pompéiens. — Les préoccupations des Pompéiennes. — Les victimes : la famille de Diomède, la sentinelle, la femme murée dans un tombeau, le prêtre d’Isis, etc. — Les squelettes. — Les cadavres moulés par le Vésuve.

Ce fut pendant une fête, le 23 novembre 79, qu’éclata la terrible éruption qui engloutit la ville. Le témoignage des anciens, les ruines de Pompéi, les couches superposées de cendre et de pierres ponces qui l’ont couverte, les squelettes surpris dans l’attitude de l’agonie ou de la mort, tout cela nous raconte la catastrophe ; l’imagination n’y peut rien ajouter, le tableau est là, sous nos yeux, nous y assistons, nous en sommes. Assis à l’amphithéâtre, nous fuyons nous-mêmes aux premières commotions, aux premiers éclairs qui annoncent l’incendie et l’écroulement. Le sol s’est ébranlé plusieurs fois[1], et quelque chose comme une trombe de poussière, toujours plus épaisse, a tourbillonné dans le ciel. Depuis quelques jours, on entendait parler de géants qui, tantôt dans la montagne, tantôt dans la plaine, passaient dans l’air ; ils ressuscitent maintenant et se dressent de toute leur hauteur dans les tourbillons de fumée, où l’on entend un bruit étrange, un formidable mugissement, puis des coups de tonnerre éclatant l’un sur l’autre et la nuit est venue, une nuit d’horreur : de larges flammes embrasent les ténèbres. On crie dans les rues : « C’est le Vésuve qui a pris feu ! » — Aussitôt les Pompéiens effarés, éperdus, quittent l’amphithéâtre, heureux de trouver devant eux tant d’issues pour en sortir pêle-mêle sans s’écraser, et, quelques pas plus loin, les portes de la ville et la campagne ouverte. Cependant, après la première explosion, après le déluge de cendres, tombe le déluge de feu, des pierres ardentes et légères poussées par le vent — on dirait une neige enflammée — descendent lentement, fatalement, sans répit ni re-

  1. Voy. la Revue des Deux-Mondes, 1er septembre 1863.