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cédé par un riche Chinois, qui avait déjà voulu précédemment loger chez lui les généraux et les ambassadeurs. Ce rusé négociant, qui avait beaucoup gagné dans les fournitures de vivres faites aux armées alliées, pensait se faire bien voir, et son zèle pour les Européens était certainement entaché de ménagement pour ses intérêts particuliers.

Le yamoun de la légation, situé dans une position charmante près des bords du Peï-ho, contenait un parc planté de beaux arbres ; les pavillons, séparés par des cours et des jardins, étaient dans un bon état d’entretien.

[1] « L’intérieur de notre nouvelle habitation, quoique aussi chinois que possible, est très-élégant et réjouit l’œil par la bizarrerie de son aménagement et l’éclat de ses peintures fraîchement vernies.

« J’ai jeté mon dévolu sur deux pièces, dont j’ai fait un salon et un boudoir.

« On y voit toutes les couleurs de l’arc-en-ciel : des paysages avec la mer, des lacs et des forêts ; une scène représente une chasse impériale dans la forêt de Ge-Holl[2] ; antilopes et chevreuils fuient de tous côtés percés de flèches, et poursuivis par des chiens avec la queue en trompette ; il y a aussi des scènes de mœurs plaisantes, et plus que plaisantes. Voilà pour le salon.

Sampans ou navires du commerce et pont de bateaux, à Tien-Tsin. — Dessin de Lebreton d’après un dessin chinois.

« Je préfère le boudoir avec son merveilleux encadrement de bois sculpté, fouillis inimitable de feuilles, de fleurs et d’animaux découpés dans le bois de fer. Les Chinois sont d’étonnants ornemanistes. Je n’ai rien vu de plus beau en Europe, de plus réellement artistique que ces boiseries sculptées à jour.

« Au fond du boudoir et du salon, près des fenêtres, sont les inévitables kangs, qui servent à la fois dans le nord de la Chine, de lits et de cheminées.

« Qu’on se figure une estrade élevée de deux pieds, et de six de large qui tient tout un côté de la pièce, sur laquelle on place des paillasses et des couvertures en feutre, et où on peut coucher à l’aise quatre personnes ; l’intérieur de cette boîte est maçonné avec de la brique, et par une bouche de four pratiquée au dehors et en contre-bas de la maison, on allume un grand feu de charbon dans ce poêle d’une nouvelle espèce ; dans les maisons riches, on a un domestique spécial pour ce service ; voilà ce qu’est un kang.

« Les miens servent seulement de cheminées, et le dessus en est couvert de belles porcelaines et des chinoiseries que nous récoltons.

    mur, qui servent d’habitation aux mandarins ; ce mot est l’équivalent d’hôtel ou plutôt de palais.

  1. Note de Mme de Bourboulon.
  2. Ge-holl, résidence impériale au nord de Pékin, est le Versailles des empereurs chinois. Nous aurons l’occasion d’en parler plus tard.