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Monolithes à l’entrée de la sépulture des Mings (p. 302). — Dessin de Thérond d’après une photographie.


RELATION DE VOYAGE DE SHANG-HAÏ À MOSCOU,

PAR PÉKIN, LA MONGOLIE ET LA RUSSIE ASIATIQUE,


D’APRÈS LES NOTES DE M. DE BOURBOULON, MINISTRE DE FRANCE EN CHINE, ET DE MME DE BOURBOULON,
PAR M. A. POUSSIELGUE[1].
1859-1862. — TEXTE ET DESSINS INÉDITS.




DE PÉKIN À TCHANG-PING-TCHEOU.

Le grand plateau central de l’Asie. — Rapports entre l’empire russe et la Chine. — Difficultés du trajet par terre. — Considérations qui le font adopter. — Préparatifs de départ. — Panique au sortir du palais de la légation. — Les faubourgs au nord de Pékin. — Routes mal entretenues. — L’agriculture et la pêche dans le Pe-the-li. — Entrevue avec le maître d’école de Cha-ho. — Sa maison et ses femmes. — Aspect de la ville de Tchang-ping-tcheou. — Description d’une auberge chinoise.

Quand on jette les yeux sur une mappemonde, on est frappé du contraste que présente, avec les vastes océans du sud, l’immense étendue des terres au nord et dans le centre du continent asiatique. Le nord, c’est la Sibérie, ce grand désert où, malgré l’intempérie des saisons, la Russie a planté, par ses colonies militaires, de puissants jalons de civilisation ; le centre, c’est l’empire chinois, l’empire du Milieu, avec sa double ceinture de tributaires nomades ; au nord-ouest, les Mandchoux, dont la dynastie règne maintenant sur la Chine, au nord et au nord-est les Mongols, puis des Khirghiz, des Tartares, et cent autres tribus. Ce grand centre de l’Asie, presque inconnu encore à l’Europe, sera sillonné un jour, en dépit des distances, par les chemins de fer et les télégraphes de la civilisation occidentale, allant se relier aux Amériques par le Kamtschatka et le détroit de Behring ; déjà des ingénieurs européens ont signalé cette grande voie du continent asiatique, qui doit unir tous les peuples de notre planète plus sûrement que les télégraphes sous-marins qu’on a essayé d’établir dans les profondeurs des océans Atlantique et Pacifique.

Ce que nous savons de ces régions ne nous vient certes pas des géographes chinois, qui n’ont guère du monde une idée plus exacte que celle qu’en avaient les Grecs au temps d’Hérodote. Il suffit pour s’en assurer de jeter les yeux sur la mappemonde (p. 290), dressée en 1840 par un lettré d’origine mandchoue : la surface de la terre y est occupée par trois continents, entre lesquels s’étend un vaste océan ; l’un est composé des deux Amériques, l’autre de l’Asie, l’Europe et l’Afrique, le troisième envahit tout le sud. L’Amérique du Nord est toute petite, celle du sud au contraire s’étend presque d’un pôle à l’autre ; l’Asie, l’Afrique et l’Europe singulièrement réduites forment à peine un tiers de la terre : on y voit la Contrée des Chiens, vaste pays imaginaire qui s’étend au nord-est de la Chine

  1. Suite. — Voy. t. IX, p. 81, 97, 113 ; t. X p. 33, 49, 65, 81 et 97.