Page:Le Tour du monde - 10.djvu/329

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vécu ainsi. Le désert ressemble à l’océan : l’œil de l’homme se plonge dans l’infini et tout lui parle de Dieu. Le nomade mongol aime son cheval comme le marin aime son bâtiment ; ne lui demandez pas de s’astreindre aux habitudes sédentaires des Chinois, de bâtir des demeures fixes et de remuer le sol pour en tirer péniblement sa nourriture ; ce libre enfant de la nature se laissera traiter de barbare grossier, rude et ignorant, mais en lui-même il méprise l’homme civilisé qui rampe comme un ver sur un petit coin du sol qu’il appelle sa propriété. La steppe immense lui appartient, ses troupeaux qui le suivent dans ses courses vagabondes lui fournissent la nourriture et les vêtements ; que lui faut-il de plus tant que la terre ne lui manque pas !

Li-eur, jeune Chinois venu en France avec M. de Bourboulon. — Dessin de Émile Bayard d’après une photographie.

« À chaque relais, cent cavaliers et chevaux de rechange nous attendent ; les ordres du gouvernement chinois, donnés pour la rapidité et la sécurité de notre voyage, sont scrupuleusement exécutés. Un grand nombre de nomades parcourent les steppes, et prévenus à l’avance de notre passage, ils se rendent aux stations qui leur sont désignées pour faire l’office de postillons. La curiosité n’est pas étrangère non plus à cet empressement. Le désert, qui me paraît si aride, nourrit de nombreux pasteurs, ainsi que le prouvent les grands troupeaux de bêtes à cornes et de chevaux qui errent librement dans ces solitudes. L’immensité du parcours supplée à la maigreur des pâturages. Les petits chevaux mongols sont d’une sobriété extraordinaire ; un peu d’herbe et une poignée de millet suffisent à leur nourriture ; ils sont excellents coureurs, leur pied est d’une grande sûreté, mais leur allure est fatigante à cause du trot saccadé qui leur est ordinaire.