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bronze doré et émaillé, des jardinières et des corbeilles contenant des fleurs, des tableaux sur papier de riz, et enfin la tablette inévitable contenant quelque sentence morale ou une invocation aux ancêtres. Il n’y a point de fenêtres proprement dites : des ouvertures carrées, percées sur le côté quand la pièce donne sur la cour ou sur les jardins, ménagées entre les doubles poutres qui soutiennent le toit lorsqu’on pourrait être vu de la rue ou des maisons voisines, laissent pénétrer un faible jour à travers les interstices d’un grillage composé de minces lames de bois entre-croisées qui forment une jalousie fixe.

Brûle-parfum, en bronze doré et Chandelier chinois, en bronze émaillé. — Dessin de Catenacci d’après deux dessins chinois.

C’est dans ces mystérieux appartements que les gens riches passent la moitié de leur existence, s’adonnant à une voluptueuse paresse ; il est presque impossible à un Européen d’y pénétrer, et, autant les Chinois sont disposés à être communicatifs dans les affaires, dans les fêtes, dans les réceptions, autant ils sont réservés dans tout ce qui touche à leur vie intime.

La paresse physique est poussée à un haut point en Chine : il est considéré comme malséant de marcher, de se promener, de se servir de ses membres. Rien n’étonne plus les indigènes que le besoin de locomotion qui nous caractérise. Ils s’accroupissent sur leurs mollets, allument leur pipe, déploient leur éventail, et contemplent d’un œil goguenard les promeneurs européens qui vont et viennent d’un bout à l’autre de la rue, en marquant le pas avec une précision mathématique. Quand on fait à pied des visites officielles, il faut s’excuser de n’être venu ni à cheval ni en palanquin, car c’est marquer peu de considération pour le personnage qu’on va voir ainsi. Le palanquin surtout est d’un usage incessant. À Pékin, il y a de grands établissements pour la location des palanquins, ou l’on en trouve de disponibles toute heure. On paye environ une piastre par jour pour ceux qui sont portés par six hommes ; pour quatre hommes, c’est une demi-piastre ; deux hommes, cent sapèques. La légation de France a pour son service vingt-quatre porteurs revêtus de tuniques bleues avec collet et bordures aux trois couleurs. Les palanquins sont généralement ouverts par devant et par derrière ; il y a une fenêtre ou plutôt un carreau fixe sur le côté, et une banquette transversale sur laquelle on s’assoit.

La passion du jeu est l’un des fléaux de la Chine ; fléau qui en a engendré mille autres dans tous les rangs, tous les âges de la société. Dans les rues de Pékin, on rencontre une foule de petits tripots ambulants, tantôt un jeu de dés placé dans un gobelet de cuivre sur un escabeau, tantôt une loterie composée de bâtonnets contenant des numéros que le croupier fait sauter dans un tube en fer-blanc. La foule se presse autour de ces industriels, et l’ouvrier qui passe, cédant à une tentation irrésistible, vient y perdre en quelques heures les pénibles épargnes de son travail. Les coolies attachés à l’ar-