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Page:Le Tour du monde - 11.djvu/7

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Deux frères, Mahmoud ou Mohammed et Aly expulsèrent, en 1684, à la fois la garnison turque et le dey. Mahmoud se proclama premier sultan de Tunis. Son successeur, Ramaddân-Bey, fut tué par son neveu, Mourad-Bey, qui fut tué par Ibrahim-es-Chéruf, qui fut décapité par Hassan-Ben-Ali, renégat d’origine grecque, lequel fut expulsé par son neveu, Hassan-Ben-Ali, qui fut étranglé à son tour. On voit que ces beys se comportaient tout à fait, les uns à l’égard des autres, comme des rois d’Angleterre ou des czars. L’un des plus illustres fut Hammoudah-Pacha, fils d’Aly-Bey, qui avait eu le privilége de régner vingt-trois ans. Arrivé au trône le 26 mai 1782, Hammoudah-Pacha gouverna les Tunisiens avec prudence et justice, jusqu’au 14 septembre 1814, époque de sa mort. Son frère et successeur, Othman-Bey, fut massacré avec ses enfants à la fin de cette même année. Le pouvoir passa aux mains de Mahmoud, mort en mars 1824. Son fils, Sidi-Housseyn-Bey, régnait lorsque la France fit la conquête d’Alger. Il mourut en 1835. À son frère Moustafa-Bey, mort en 1835, succéda Sidi-Ahmed-Bey, que l’on a vu à Paris en 1846, et qui a cessé de vivre en 1855. Enfin son cousin, Sidi-Mohamed-Bey, qui a régné quatre ans, a eu pour héritier, le 24 septembre 1859, le bey actuel, Sidi-Mohamed-el-Sadok. Ce souverain est très-estimé des Européens. Il a introduit dans la régence des réformes qui pourraient être de nature à faire faire de grands pas au peuple tunisien dans la voie de la civilisation. Il a promulgué une constitution qui serait considérée comme libérale en tous pays. Les chrétiens et les juifs applaudissent, les Maures se résignent, mais les Arabes murmurent, et ils sont les plus nombreux[1].


Les rues. — Les places. — Les mosquées. — Les bazars.

Après l’histoire, je devrais sans doute parler des institutions du pays, de la forme du gouvernement, de son armée et de beaucoup d’autres choses que je n’aurai garde d’oublier tout à fait. Mais qu’on me pardonne d’ajourner un peu ces graves sujets ; je cède à l’impatience de parcourir la ville et de mettre à l’œuvre mes crayons et mes pinceaux.

Il me fallait un atelier, M. Vangavert m’offrit dans sa maison une grande chambre qui donnait sur le lac ; je ne pouvais pas mieux désirer.

L’atelier est vite installé ; j’envoie chercher à l’hôtel mes couleurs et tous mes attirails ; me voici chez moi.

La vieille mosquée. — Dessin de A. de Bar d’après M. Am. Crapelet.

Le lendemain, M. Vangavert et son fils Théophile vinrent à un rendez-vous convenu, vers six heures du matin, et nous nous mîmes à explorer la ville. Je me souviendrai toujours de ce dévouement de M. Vangavert. Il devait être fort peu agréable pour lui de me tenir ainsi compagnie en plein soleil ou dans les bazars, pendant que le faisais mes esquisses. Sa société m’était des plus précieuses. Artiste et chrétien ne sont pas des titres infaillibles au respect des Tunisiens. Un dessin est, pour beaucoup d’eux, quelque chose qui touche au sortilége. Ils n’aiment pas qu’un infidèle regarde de trop près surtout leurs mosquées, et encore moins qu’on en emporte les images. Mais M. Vangavert faisait bonne garde près de moi ; il occupait les indigènes en causant avec eux, et moi, pendant ce temps, j’exécutais tranquillement mes aquarelles. C’est de cette façon qu’il m’a été permis de rapporter tous ces coins de rues, ces mosquées, ces bazars, ces places publiques, ces cafés, dont la meil-

  1. Quelles que fussent nos appréhensions lorsque nous écrivions ces lignes, elles étaient loin de nous laisser prévoir les graves événements qui agitent depuis deux années la Tunisie. Voici en quels termes un recueil populaire les a résumés et caractérisés :

    « Un soulèvement des tribus arabes et kabyles de la régence de Tunis contre l’autorité du bey a attiré et tient encore actuellement éveillée toute la sollicitude des nations européennes qui ont dans ce pays des intérêts divers. On sait que le gouvernement libéral des beys a fait de grands efforts pour l’élever au rang des nations les plus civilisées, d’abord en abolissant l’esclavage des chrétiens (mai 1806) et en faisant fermer les marchés de noirs (1842), puis établissant, malgré le fanatisme religieux des populations musulmanes, la liberté des cultes ; enfin, en appelant des ingénieurs, des officiers, des savants européens, des Français surtout, qui ont tracé des routes, creusé des puits, élevé des phares ; les restrictions douanières ont disparu ; enfin, une constitution a été proclamée qui contraste par son libéralisme avec la situation politique des autres États du nord de l’Afrique.

    « Ces réformes avaient été acceptées dans la Régence non sans exciter quelques murmures de la part d’une partie de la population attachée aux vieilles traditions, aux vieilles mœurs et aux vieux abus. Les mécontents ont trouvé bientôt une occasion de se soulever. Les