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Un marchand de framboises. — Dessin de d’Henriet.


VOYAGE DANS LES PROVINCES RUSSES DE LA BALTIQUE,

LIVONIE, ESTHONIE, COURLANDE,


PAR M. D’HENRIET.[1]


1851-1854. — TEXTE ET DESSINS INÉDITS.


I (Suite.)

Galériens. — Religion. — Justice. — La guerre.

Le soldat de faction dans quelque endroit écarté, a une manière assez ingénieuse de demander l’aumône ; quand il voit arriver quelqu’un, il montre une baïonnette cassée, et sollicite un secours, afin de pouvoir en acheter une autre. Cette scène, si loin de nos mœurs, s’est reproduite plusieurs fois à mes yeux avec des variantes, qui attestaient autant d’imagination que de dénuement. Je dois cependant dire que le soldat, dont la condition est si pénible, a quelques chances favorables, qu’il trouverait à peine dans l’organisation militaire de certains peuples qui se croient libéraux. S’il est décoré de l’ordre de Saint-Georges, pour faits militaires, il ne pourra plus être battu ; s’il est lieutenant, il a la noblesse à vie ; s’il est capitaine, je crois, la noblesse pour lui et les siens ; ils ne pourront plus être battus, à moins toutefois, — car rien n’est stable, — d’être dépouillés auparavant de leur état. Mais malgré l’exemple de Paskiewitch, de Schilders et d’autres, les soldats russes nourrissent peu de ces hautes espérances, et ceux de garnison en particulier, portent souvent envie à une condition qui ne devrait point être un objet de désir et que quelques-uns obtiennent à l’aide d’un acte calculé d’insubordination. On les envoie au bagne, ils sont alors galériens. Les galériens en effet, ont un sort plus doux ; ils ne sont point surchargés de besogne ; j’en ai vu, qui se mettaient à quarante, pour traîner une voiture chargée de farine. J’en ai vu d’autres occupés aux fortifications ; l’un d’eux ajoutait une pierre de taille à un mur, et sans se presser, crachait tranquillement sur un peu de sable pour faire du mortier ; il semblait profondément pénétré,

  1. Suite. — Voy. page 113.