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Page:Le Tour du monde - 12.djvu/181

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poissons américains dont les traités spéciaux n’ont eu jusqu’à ce jour ni l’occasion ni le loisir de s’occuper.

Le premier de ces individus, appelé Daridari par les Conibos, et dont on compte trois variétés, appartient à l’ordre des Sélaciens et au genre Raie. Sa configuration est à peu près celle de notre raie d’Europe, et sa taille varie de trois pieds de circonférence à douze pieds. La face ventrale de l’animal est d’un blanc rosé, légèrement frangé de noir sur les bords ; la face dorsale, d’une teinte de suie réchauffée de bitume, est ocellée comme la robe du jaguar de larges taches noires, bordées d’un liséré d’ocre jaune. Ces grandes taches sont entourées de taches plus petites, mais colorées de la même façon.

Le daridari, dont la queue est plus large et moins longue que celle de notre raie d’Europe, porte sur cette queue comme un enjolivement ou comme une défense, nous ne savons au juste, trois dards osseux et quadrangulaires de quatre pouces de longueur sur quarante lignes de base[1]. Ces dards, que l’animal baisse et relève à volonté, sont creux ; et bien qu’aucune glande destinée à sécréter un poison quelconque n’aboutisse à leur cavité, les blessures qu’ils font sont inguérissables. Nous avons vu un Indien Cocama piqué à la cheville par un de ces dards venimeux ; le pied de ce malheureux, qui semblait près de se détacher de la jambe, n’était qu’un large ulcère d’où la sanie coulait à flots.

La manie qu’a le Daridari de s’étaler près du rivage pendant les heures les plus chaudes de la journée et d’y rester dans la plus complète immobilité, cette manie serait cause d’accidents fréquents, si l’indigène de l’Ucayali, au fait des allures de ce poisson, n’avait la précaution en entrant dans l’eau de l’agiter avec le pied pour effrayer l’animal et le déloger de son poste. Les Indiens Xeberos, les Ticunas, les Yahuas, dont les poisons de chasse sont les plus estimés sur les marchés de l’Amazone, connaissent si bien les propriétés venimeuses des piquants du Daridari, qu’ils les pulvérisent et les joignent aux ingrédients avec lesquels ils composent leur toxique.

Comme pendant à cette raie que les Indiens pêchent quelquefois par curiosité, mais dont ils ne mangent jamais la chair, mentionnons un individu de la famille des Siluroïdes, aussi peu connu que le Sélacien dont nous venons de faire le portrait.


Pêche du candiru.

Ce poisson, appelé Candiru par les riverains, et dont la longueur varie de deux lignes à six pouces, fuit les eaux profondes et ne se plaît qu’au bord des plages. Le voisinage des endroits habités l’attire particulièrement

  1. Il va sans dire que la longueur et la grosseur de ces dards sont relatives à la taille de l’animal. Les mesures que nous donnons de ces parties ont été prises sur un daridari de 6 pieds 1/2 de circonférence.