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tions à le remonter pendant près de quatre heures, puis à couper son lit en diagonale pour pouvoir atteindre Nauta, que, sans cette précaution, elles dépasseraient infailliblement. Nos gens accomplirent donc cette laborieuse tâche ; puis quand, brisés de lassitude et baignés de sueur, ils jugèrent que le moment était venu de laisser arriver, tournant à l’est-nord-est la proue de la pirogue, ils se lancèrent résolument au large. Huit cent quatre-vingts fois leur rame plongea dans le fleuve, et chaque fois fit avancer d’environ trois pieds l’embarcation que le courant faisait dévier de la ligne droite, mais dont le pilote rectifiait la dérive avec quelques coups de pagaye. À mesure que nous nous rapprochions de Nauta, les sons du fifre et du tambour devenaient plus distincts : c’était comme une aubade par laquelle on semblait saluer notre arrivée. Cet accueil musical me parut d’un heureux présage. Il était cinq heures du soir quand notre pirogue s’enlisa mollement dans la vase d’une rive inconnue. Avant de descendre à terre, j’eusse voulu remercier, selon l’usage antique, le dieu mythologique du grand fleuve de s’être montré clément envers nous ; mais n’ayant sous la main ni cheval vivant que je pusse précipiter dans son lit, ni brebis ou chevreau que je pusse égorger sur sa rive, je me bornai à l’honorer mentalement et jetai dans ses eaux, en manière d’offrande, le bout du cigare que j’étais en train de fumer.

Paul Marcoy.

(La suite à une autre livraison)


Habitation d’Indiens Cocamas.





VOYAGE EN ABYSSINIE,

PAR M. GUILLAUME LEJEAN.
1862-1863. — TEXTE ET DESSINS INÉDITS.




On a pu lire dans le Tour du Monde de janvier 1864 (no 213) les lignes suivantes :

« M. Guillaume Lejean, envoyé, en 1862, à Massaoua (île de la mer Rouge) par le gouvernement français, partit de Khartoum en septembre, remonta le fleuve Bleu jusqu’à Messalamié, se dirigea, à dos de chameau, vers Ouad Medinè, et atteignit Sennâr ; il releva le plan de cette station, qui n’est qu’un amas de ruines. De là, il alla visiter les antiquités du mont Sagadi, à sept heures environ à l’ouest de Sennâr : ces prétendues sculptures ne lui parurent être que des formes bizarres de roches. Il partit ensuite pour Karkodji, en face de Serou, et d’un long marais à l’ouest du Nil, où il fut saisi d’un accès de fièvre. Il s’avança vers l’est et coupa les deux îles formées par le Nil-Bleu, le Dender et le Rahad. — Du Rahad (14 novembre), M. Guillaume Lejean se dirigea presque à l’est vers Gallabat, étudia le massif de Ras-el-Fil, séjourna à Metamma, d’où il se rendit à Vohnè, à Tchelga, résidence du Belambras Guemo, sorte de margrave… »

J’ai tenu à reproduire intégralement ce résumé fidèle de mon voyage, parce qu’il aide le lecteur à suivre mon