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Le Davezout. — Dessin de Eugène Cicéri d’après M. G. Lejean.

VOYAGE EN ABYSSINIE,

PAR M. GUILLAUME LEJEAN[1].
1862-1863. — TEXTE ET DESSINS INÉDITS.


VII


Ifag. — Le Reb et son lutin. — Un charmant coin de terre. — Gafat : la colonie européenne. — Un homme difficile à marier.

Partis de Tísbha, nous nous arrêtons un instant à Ifag, charmant village groupé autour d’une église renommée qui s’appelle Batha. Ifag a un marché hebdomadaire, renommé surtout pour ses mules, ses peaux et ses outres (hokoumada). La sœur d’un de nos domestiques qui est d’Ifag, vient nous souhaiter la bienvenue et nous apporte un gombo de bière. J’oublie, en la regardant, que son breuvage est exécrable. C’est une grande fille de dix-huit ans, belle à miracle, démarche princière, des yeux de velours brun et comme on n’en voit qu’en Abyssinie. Les femmes d’Asie, par exemple, ont parfois des yeux plus noirs, mais ils sont souvent comme les belles personnes qu’ils ornent, majestueux et bêtes. Je suis fâché du mot, mais je ne le retire pas.

La bière abyssinienne ne se fait pas, comme la merissa du Soudan ou la chicha péruvienne, avec du maïs fermenté, mais bien avec des croûtes de pain qu’on laisse arriver à l’acidité et qu’on fait macérer ensuite.

D’Ifag, j’ai une vue superbe sur le splendide bassin qu’on appelle la plaine de Fogara, et qui s’étend jusqu’au mont Dongours (voy. p. 256). La partie orientale est toute plate ; ce n’est qu’une immense prairie parcourue par ces pasteurs nomades connus sous le nom de Zellan. Ce sont des chrétiens tièdes ; aussi je ne connais qu’une seule église sur cette surface égale au département de

  1. Suite. — Voy. pages 221 et 225.