Page:Le Tour du monde - 12.djvu/281

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à la mer, d’autres grimpent sur des dattiers nains et sur les jasmins du Cap. Des sterculias à fruits rouges étoilés se mêlent à des légumineuses arborescentes couvertes de grappes qui ont la couleur et le parfum du lilas.

De loin en loin, des cases apparaissent à travers des éclaircies de feuillage. On aperçoit ainsi à peu de distance de la plage, la Mission catholique. Là, vit un vieillard entouré des respects de tous, Mgr Bessieux, évêque de Callipolis, moins vieilli par l’âge que par les fatigues d’un long apostolat consacré tout entier aux populations africaines. Il partage aujourd’hui ses soins entre la direction de la Mission et la culture d’un vaste jardin, et donne aux indigènes peu tentés de l’imiter, le spectacle d’une vie qui restera consacrée jusqu’à sa dernière heure, au travail et à la charité. Il y a deux ans, M. l’amiral Didelot s’est fait l’interprète du sentiment public, en demandant la décoration de la Légion d’honneur pour ce modeste et vénérable prélat qui l’a reçue, moins comme une distinction personnelle que comme une marque d’estime accordée à l’œuvre à laquelle il a voué sa vie tout entière.

Non loin de là, est le village du roi Louis. Deux longues séries de cases forment une large rue dans laquelle un ou deux grands arbres projettent leur ombrage. Derrière les maisons, une vaste clairière a été déblayée à l’aide de la hache et du feu ; les bananiers, le manioc, les papayers y poussent vigoureusement, et dénoncent au loin, par leur couleur tranchée, la présence du village.

Des pirogues halées sur la plage, des filets en fil d’ananas qui sèchent au soleil, quelques tas de bois rouge et de bois d’ébène qui attendent l’arrivée d’un navire, quelques maigres volailles picorant dans la rue ;


Naturel du Gabon. Tau (type de Krowman). — Dessin de Émile Bayard.


voilà le village de Louis, et tous sont jetés dans le même moule.

Le M’pongwé a, du reste, maison de ville et maison des champs. Celle-ci, qu’il appelle son habitation, est parfois perdue au milieu des bois à plus d’une lieue de là. C’est là que se font les grandes cultures. Ces villages contrastent par leur bonne tenue avec la malpropreté habituelle des villages africains. Les cases, bâties avec les branches d’une sorte de palmier, l’enimba sont régulières et de bonne apparence. Malheureusement l’intérieur ne répond pas toujours à l’extérieur. Riche ou pauvre, frotté ou non de civilisation, le Gabonais est rarement propre ; c’est là son moindre défaut et son intérieur s’en ressent.

La pièce dans laquelle donne accès l’unique porte ouverte sur la rue, est une chambre commune ; un ou deux larges canapés en branches de palmier qui servent à volonté de siéges ou de lits, témoignent de son importance. Des chaises, de la vaisselle européenne, des coffres, beaucoup de coffres, devraient-ils rester vides, complètent l’ameublement d’une maison confortable. En entrant dans cette pièce, on y trouve habituellement le maître du logis. Étendu sur son canapé, il fume ou dort.

Il se lèvera peut-être pour faire honneur à son hôte, lui cédera même sa place avec une certaine politesse ; si pourtant c’est un chef, il connaît sa valeur et ne se dérange pas. Assis à la turque, l’une des jambes repliée sous lui, entouré de serviteurs qui ne s’approchent de son auguste personne qu’en courbant l’échine, il tend la main au visiteur, — la seule main qui soit libre, car, de l’autre il pétrit invariablement le pied sur lequel il est assis, — puis d’un geste digne, il l’invite à se placer à ses côtés. C’est un honneur qu’il lui fait, et sa considération y gagnera dans le village, sauf par lui à reconnaître cette hospitalité royale par quelque cadeau