VOYAGE DANS L’ASIE CENTRALE,
DE TÉHÉRAN À KHIVA, BOKHARA ET SAMARKAND,
I
Je suis né en 1832 dans la petite ville hongroise de Duna Szerdahely, située sur une des plus grandes îles du Danube. Porté de bonne heure, et par un instinct particulier, à l’étude de la linguistique, je m’étais occupé des différents idiomes qui se parlent en Europe et en Asie ; j’explorai tout d’abord avec ardeur les riches domaines des littératures orientales et occidentales. Plus tard, je m’intéressai aux influences réciproques que les langues exercent les unes sur les autres, et on ne doit pas s’étonner qu’en vertu du vieux proverbe Nosce teipsum[1], mon attention se soit principalement dirigée sur l’origine et les affinités de ma langue natale.
On n’ignore pas que le hongrois appartient à la tige dite altaïque ; en revanche on n’a pas encore tranché la question de savoir s’il est de la branche tartare ou de la finnoise. Cette solution qui nous intéresse, nous autres Hongrois, au double point de vue de la science et de la nationalité, fut le principal mobile qui me conduisit vers l’Orient[2]. Je me proposais de déterminer, par une étude pratique des langues vivantes, le degré de parenté qui m’avait tout d’abord frappé comme existant d’une manière positive entre les dialectes hongrois et turco-tartare.
Je me rendis d’abord à Constantinople. Une résidence de plusieurs années dans des familles turques et de fréquentes visites dans les écoles et les bibliothèques de l’Islam firent bientôt de moi un véritable