Page:Le Tour du monde - 12.djvu/334

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douze grosses pierres placées à une distance de six pieds les unes des autres, et au centre desquelles s’élevait un cromlech artificiel. Sur le devant du cercle se dressaient trois autres pierres représentant les solstices solaires, tandis que les douze pierres de la circonférence étaient un symbole des douze signes du zodiaque.

« Les bardes entrèrent dans l’intérieur du cercle sacré, et le son de la trompette proclama que le moment solennel était venu d’ouvrir le gorsedd. Alors le chef des bardes fut la déclaration suivante : « La vérité contre tout le monde[1] ! L’an mil huit cent soixante-quatre, le soleil approchant de l’équinoxe d’automne, dans la matinée du vingt-trois août, le gorsedd, annoncé, selon l’usage, depuis un an et un jour, est ouvert dans la province de Gwynedd ; nous y avons invité tous ceux qui peuvent se rendre ici, où nulle arme ne sortira du fourreau, mais où il sera prononcé un jugement sur les meilleures compositions et sur les ouvrages qui méritent de recevoir le prix. À la face du soleil et sous l’œil de la lumière, la vérité contre tous ! »

« Après une courte prière en anglais récitée par deux ministres de l’église protestante, le chef des bardes, debout sur la pierre la plus élevée, saisit une épée nue qui gisait à côté du fourreau, puis il s’écria d’une voix forte : « La paix règne-t-elle ? — a oes heddwch ? » À cette question, les bardes qui étaient rangés dans le cercle de pierres répondirent en chœur : « La paix règne. » Ce gage de concorde étant donné, l’épée fut alors plongée dans le fourreau.

« Les candidats aux divers grades de la hiérarchie, bardes, ovates, druides, archidruides, furent ensuite appelés devant le conseil des anciens et reçurent leurs degrés. Il y a donc encore des druides ? Graves et sombres, ces derniers semblaient en effet se croire de la meilleure foi du monde les légitimes successeurs des


Usine Vivian, vue prise sur le canal. — Dessin de Durand-Brager.


austères pontifes qui célébraient les anciens mystères dans les forêts de la Cambrie. La plupart d’entre eux se distinguaient en outre par la saillie des os maxillaires, un des signes extérieurs de la race celtique selon les physiologistes, et qui n’est, si nous devons en croire les Anglais, qu’un effet naturel des efforts de mâchoire auxquels se livrent les druides depuis leur enfance pour articuler le langage welche. Quoi qu’il en soit, c’était leur tour de figurer dans la cérémonie. Un d’entre eux lut en langue celtique la prière du gorsedd. Quelques profanes (et parmi ces derniers des reporters anglais) souriaient bien un peu de ces rites mystérieux qui forment la partie théâtrale du gorsedd ; quant aux habitants du Pays de Galles, ils suivaient au contraire avec un grand sérieux des usages remontant, ils n’en doutent point, à la plus haute antiquité druidique.

« Le gorsedd, tel qu’il se célèbre aujourd’hui, est en quelque sorte la préface de l’eisteddfod. Cette dernière assemblée se tient quelquefois en plein air ou sous des tentes ; mais à Llandudno le comité a fait construire un bel édifice en bois, le pavillon, pour recevoir à des époques plus ou moins éloignées les héros de la fête et les spectateurs. L’intérieur était décoré de bannières, de feuillages et de devises galloises. Au centre du pavillon flottait un drapeau sur lequel se lisait en langue welche cette inscription un peu ambitieuse : « Soyez les bienvenus dans le temple du génie. »

« À onze heures, le président, escorte de la procession des bardes et des druides, fut solennellement installé dans son fauteuil. La salle pouvait bien contenir de deux à trois mille personnes. Les places les mieux en vue étaient occupées par des célébrités welches aux noms les plus formidables que la langue humaine ait jamais prononcés. Tout cela formait le spectacle ;

  1. C’est la devise du pays de Galles.