Page:Le Tour du monde - 12.djvu/335

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quant au but sérieux de ces réunions, on ne tarde point à l’apprendre des lèvres mêmes du président. Suivant lui, et d’après le manifeste du comité qui avait organisé le congrès, l’institution se propose de ranimer l’intérêt qui s’attache aux antiquités celtiques. Ce qu’on veut, c’est répandre les connaissances, faire jaillir le talent qui s’ignore lui-même, inspirer l’amour du foyer et réveiller dans les cœurs une noble ambition pour la culture de la poésie, de la musique et des beaux-arts. À quel point ce but a-t-il été atteint depuis la renaissance des eisteddfodau ? Selon la parole de l’un des orateurs, tout hameau a maintenant dans le Pays de Galles son chœur de musiciens ; chaque village a son barde ; chaque maison a sa Bible ; chaque colline et chaque vallée répètent les anciennes mélodies nationales. »

Tel est le pacifique spectacle que présentent aujourd’hui les eisteddfodau, tel est le louable but qu’ils poursuivent. Autrefois ils avaient un tout autre caractère, on y célébrait les hauts-faits de guerre des Welches, et la haine de l’oppression étrangère ; on y chantait, on y fomentait l’éternelle lutte contre l’ennemi du dehors.

Les Welches ont en effet prolongé longtemps leur résistance à la conquête saxonne ou normande. Ils n’ont jamais oublié qu’ils étaient les fiers descendants des Siluriens et des Cambriens, qui repoussèrent si opiniâtrément l’invasion romaine. Ce nom de Cambriens ne serait-il pas lui-même l’équivalent de Cimbres, sous lequel se désignent aussi les Gallois, Cymri en welche, et qui veut dire primitifs ? Les Gallois comme les Bretons du Cornouailles se considèrent comme autochtones.

Le roi d’Angleterre Édouard Ier, fatigué de la résistance des Gallois, et l’attribuant aux bardes, qui par leurs chants et leurs doctrines entretenaient dans la nation l’amour des coutumes et du sol natal, fit un jour égorger tous les bardes et mettre le pays à feu et à sang.


Une mine de charbon, à Swansea. — Dessin de Durand-Brager.


Les Galles furent domptées, mais non soumises ; un grand nombre d’habitants prirent le chemin de l’exil ; beaucoup vinrent en France, et tous ceux qui parmi nous portent le nom de Gallois ou Le Gallois trahissent cette origine welche.

Édouard Ier, pour ramener les habitants des Galles à des sentiments moins haineux envers la couronne d’Angleterre, eut l’idée d’envoyer sa femme faire chez eux ses couches. Il semblait par là vouloir leur donner un roi de leur nation, et c’est depuis cette époque que l’héritier présomptif porte en Angleterre le nom de prince de Galles. Avec un peu de bonne volonté on put croire que c’étaient désormais les Galles qui s’étaient incorporé l’Angleterre et non l’Angleterre les Galles.

La langue galloise est une des plus difficiles à apprendre et à parler, et la peine, pour nous du moins, dépasserait le profit. Ce n’est point là l’avis des Gallois qui trouvent naturellement qu’il n’est pas de langue plus belle, plus harmonieuse que la leur ; mais c’est l’opinion des savants qui ont tenté cette entreprise surhumaine. D’aucuns prétendent que le chinois est peu de chose en comparaison du welche. Pour moi qui n’ai pas appris le gallois, ni même ouvert la grammaire welche de M. Spurrel, ouvrage resté classique, mais qui ai voyagé quelque peu dans les Galles, j’avoue que je n’ai jamais entendu pareille réunion de sons sourds et gutturaux ; c’est à faire frémir le Teuton le plus renforcé. Une règle grammaticale qui mérite d’être citée, c’est que les verbes en gallois n’ont point de présent. Le grammairien qui a créé cette loi était profondément philosophe, et partageait l’avis du poëte qui a dit avec tant de raison :

Le moment où je parle est déjà loin de moi.

Nos Bretons de France comprennent le gallois, et sont tout étonnés, quand ils abordent le pays de Galles, de trouver là des compatriotes. Je ne sais s’ils prétendent