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presque aussitôt, purent courir à temps sur la trace des animaux égarés.

Le lendemain matin (16 mai), nous découvrîmes, du côté du nord-est, une chaîne de montagnes qu’on appelle la Korentaghi, et ce fut seulement vers le soir que nous pûmes en approcher assez pour distinguer nettement le relief de leurs contre-forts inférieurs.

Tandis que mes compagnons se plaisaient à contempler cette chaîne et ses vertes vallées, le cœur me battait à la pensée que j’allais voir les ruines, probablement d’origine grecque, qui se prolongent à l’ouest de cette montagne. À l’instant même où je l’avais aperçue pour la première fois, mon regard s’était arrêté, au sud-ouest, sur une colonne isolée qu’on pouvait prendre de loin pour une espèce de géant. Je discernai plus tard dans la même direction, à mesure que nous nous élevions sur le plateau, une seconde colonne un peu plus massive que la première, mais moins élevée et dans le voisinage immédiat de la montagne. Ces ruines, connues sous le nom de Meshedi Misriyan, étaient sur ma gauche et tellement près de moi que j’en pouvais discerner avec précision Les moindres détails. À quelque distance était un camp de Yomuts ; il fut décidé qu’on y passerait la journée tout entière pour y négocier l’acquisition de quelques chameaux.


L’auteur soufflant sur de l’amadou pour éclairer sa boussole dans le désert. — Dessin de Émile Bayard d’après Vambéry.

Je me rendis le lendemain matin (17 mai) aux ruines, accompagné par Ilias et quelques-uns de nos pèlerins. Il avait fallu trouver plus d’un prétexte pour amener ces derniers à visiter un endroit qu’ils envisageaient comme le séjour des djins (génies). Il était à une demi-lieue environ de nos tentes, bien que les hautes murailles de cette construction carrée, ses deux tours encore entières et deux autres à demi écroulées, nous eussent paru beaucoup plus voisines. Tout autour de ce groupe et enveloppant le rempart supérieur, lequel a quarante à cinquante pieds d’élévation sur six à huit de largeur, il en existe un beaucoup plus bas et complétement ruiné, du côté du sud ; ce dernier a dû servir d’ouvrage extérieur à ce fort encore debout que je regarde, quant à moi, comme une antique citadelle. C’est, j’imagine, pour compléter son système de défense qu’a dû être élevé l’aqueduc qu’on voit s’allonger dans la direction du sud-ouest jusqu’aux montagnes de la Perse, et qui allait chercher à cinquante lieues (cent cinquante milles anglais) l’eau nécessaire pour alimenter les citernes de la forteresse.

Je ne crois pas me tromper en assignant à ces curieux restes une origine grecque, les briques carrées dont elles se composent étant exactement semblables par leurs dimensions, leur qualité et leur couleur, à celles de Gömüshtepe et du Kizil Alan (mur d’Alexandre).

Je remarquai encore d’autres ruines, groupées à la cime septentrionale de la Korentaghi. Il faisait nuit quand nous passâmes auprès d’elles, et l’obscurité ne me permit guère de distinguer autre chose qu’une demi-douzaine de chapelles, isolées l’une de l’autre, et dont les toitures en dôme se dressent encore vers le ciel.

Les nomades qui habitent cet endroit sont venus en foule visiter la caravane. Une sorte de négoce s’est établi ; j’ai vu se conclure à crédit des ventes, des achats d’une