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dressait l’échafaud sur lequel devait tomber la noble tête de cet enfant malheureux. Notre Sansedoni fut touché de cette grande infortune. L’écho de son couvent paisible retentissait encore des acclamations populaires qui avaient salué le jeune roi à son passage à Sienne, lorsque, quelques mois auparavant, il marchait sur Naples avec toute la confiance de son âge et accompagné peut-être des vœux secrets du bon moine[1]. Et tout à coup quel revers ! Conradin, vaincu, prisonnier, condamné comme criminel, excommunié par l’Église, allait porter sa jeune tête au bourreau ! Sansedoni courut à Viterbe pour demander au pape d’absoudre de l’anathème Conradin et son jeune compagnon d’infortune, le duc d’Autriche. Il se jeta aux pieds de Clément, il pria, il pleura. Arriva-t-il à toucher le cœur du pape ? Nous n’osons l’assurer ; il obtint pour ses deux protégés la faveur de recevoir les sacrements avant d’avoir la tête tranchée.

L’Église a placé Ambrogio Sansedoni au nombre des bienheureux ; nous nous permettons d’ajouter humblement qu’à notre sentiment le moine qui eut le courage de plaider la cause de l’excommunié et du vaincu mériterait d’être canonisé.

Dans ce même cloître est l’atelier du sculpteur Tito Sarrocchi, à qui la ville de Sienne a confié la tâche honorable et difficile de reproduire, d’après les fragments mutilés qui en restent, l’œuvre merveilleuse de Giacomo della Fonte. Ce travail, exécuté avec autant de conscience que de talent, était presque achevé lorsque nous visitâmes[2] l’atelier de ce vaillant artiste ; il nous en fit les honneurs avec cette simple et exquise affabilité qui le distingue, et nous pûmes y admirer, outre les bas-reliefs destinés à faire renaître, sans la changer, la Fonte Gaia, sa jeune Bacchante et le groupe si charmant de la Prima preghiera, une fillette qui apprend à prier à son petit frère. M. Sarrocchi nous fit voir aussi une belle statue de Michel-Ange et une fontaine colossale ornée de plusieurs figures qu’il venait de sculpter pour M. Saracini. Il travaillait alors au bas-relief qui décore en ce moment l’une des trois portes de la nouvelle façade de Santa Croce de Florence.

La colonne de la Louve et le palais de l’Archevêché. — Dessin de H. Catenacci d’après une photographie.

Les murs de ce cloître étaient jadis recouverts de fresques, que plus tard on a blanchies à la chaux. Parmi les fragments que récemment on a pu remettre au jour, est une « Annonciation » peinte en 1372 par Lippo di Vanni, qui signa son œuvre avec ce naïf distique :’

 « Septanta et due et trecent’anni
Da Siena qui dipinse Lippo Vanni[3]. »

Malheureusement il ne reste plus de cette belle peinture que les têtes de la Vierge et de l’ange.


VII


L’Université. — Les étudiants bolonais à Sienne. — Un empereur qui engage sa couronne. — Charles VIII à Sienne.

L’Université de Sienne peut se glorifier d’une ancienneté fort respectable. Si elle ne remonte pas à l’an 1203, comme on pourrait bien le soutenir, puisqu’il y a des parchemins de cette date où l’on fait mention de docteurs et d’étudiants, on ne peut pas douter qu’elle n’existât en 1246 ; car on conserve un catalogue de ses professeurs qui se continue sans interruption de cette année jusqu’à nos jours. La jeune Université puisa une nouvelle vigueur dans l’immigration des étudiants de Bologne, survenue en 1321 dans les circonstances suivantes. Un d’entre eux, Jacques de Valence, ayant été

  1. Les Sansedoni étaient de la plus haute noblesse de Sienne, et Gibelins. Buonatacca, le père du B. Ambrogio, avait été envoyé deux fois en ambassade à la cour de Mainfroi.
  2. En février 1864.
  3. En 372. Littéralement : soixante-dix et deux et trois cent ans,
    ici peignit Lippo Vanni de Sienne.