d’un autre côté, l’indolence générale des habitants, ont laissé la capitale de la Sicile dans une grande pauvreté relative. Palerme est deux fois plus peuplée que Gênes, et cependant elle est cinq fois moins riche en proportion.
Précisément à l’époque de mon voyage, un fléau, bien plus terrible que la maffia, désolait les environs de Palerme et les deux provinces limitrophes de Trapani et de Girgenti. C’était le brigandage. À la faveur du changement de régime politique et du désarroi temporaire qui s’en était suivi dans toutes les parties de l’administration sicilienne, les voleurs du pays, vrais Bédouins auxquels il ne manque guère que le burnous, s’étaient empressés d’aller battre les campagnes pour détrousser les voyageurs. De petites bandes se formèrent ainsi sur divers points du territoire, puis, après le vote, des lois de conscription, se grossirent rapidement de centaines et de milliers de réfractaires. Les levées régulières de soldats ayant été jusqu’alors inconnues en Sicile, un grand nombre de jeunes gens, évalués en certains districts au cinquième, ou même au quart de tous les appelés, trouvèrent moyen de se soustraire au service militaire par l’émigration, la fuite ou le brigandage. Toute sécurité disparut dans les campagnes des provinces occidentales ; même les abords des grandes villes furent menacés, et plus d’une fois les bandits se risquèrent dans les faubourgs de Palerme. Quelques villages écartés, dont les habitants étaient à moitié victimes, à moitié complices, servaient de retraite aux brigands, et ceux-ci, grâce à leur connaissance du pays et des hommes, grâce également à la difficulté d’accès que présentent leurs montagnes, pouvaient échapper facilement à la poursuite des troupes régulières. Sous l’influence de cette hideuse guerre de ruses, d’escarmouches et de meurtres en détail, le pays était menacé de retomber promptement à l’état de barbarie, si l’on ne s’était enfin décidé à faire opérer toute une armée contre les bandes qui tenaient la campagne. D’ailleurs, il paraît que jamais les brigands siciliens ne se sont rendus coupables d’abominations semblables à celles que l’on raconte de certains chefs des Calabres et des Abruzzes ; mais la plupart d’entre eux sont d’une ignoble lâcheté. Par une vieille habitude de politesse obséquieuse, ils regardent le plus souvent avec humilité les voyageurs riches qui sont devenus leur proie. Un ingénieur, que le hasard me donna pour compagnon de route entre Palerme et Termini, me conta qu’ayant été saisi par les brigands, il avait été invité respectueusement à descendre de voiture :
« Saluez son excellence, s’écria le chef. C’est un galant’uomo (un riche) ! »
La Ziza. — Dessin de H. Clerget d’après une photographie de MM. Sommer et Behles.
Et tout à côté, ces mêmes scélérats venaient de ren-