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Lavement des pieds.


VOYAGE DE L’OCÉAN PACIFIQUE À L’OCÉAN ATLANTIQUE,

À TRAVERS L’AMÉRIQUE DU SUD.


PAR M. PAUL MARCOY[1].


1848-1860. — TEXTE ET DESSINS INÉDITS.




PÉROU.


ONZIÈME ÉTAPE.

DE NAUTA À TABATINGA.


Le révérend P. Manuel Rosas. — Dithyrambe en l’honneur des belles formes. — Voyage à Santa Maria. — Les eaux noires. — Yahuas relaps et Yahuas idolâtres. — La danse du Bayenté. — Composition d’un poison végétal.

Au-dessus de nos têtes, dans une ombre opaque que le regard cherchait vainement à sonder, une plainte stridente éclatait tout à coup, et le feuillage, brusquement agité, faisait pleuvoir sur nous des gouttes de rosée. Cette plainte et ce bruit nous révélaient la présence d’un singe se débattant sous l’oppression d’un cauchemar. L’infortuné voyait peut-être en songe le jaguar, son mortel ennemi, grimper de branche en branche jusqu’à lui, en le magnétisant de ses flamboyantes prunelles.

Aux approches des ruisseaux-rivières dont j’ai parlé, un bruissement à travers les herbes et la chute dans l’eau d’un corps pesant, nous annonçaient la disparition d’un caïman troublé dans sa torpeur digestive. De chaudes bouffées de musc émanées des corps des grands sauriens, une odeur d’ail produite par des arbres du genre cerdana, des senteurs acres et d’énervants aromes, impressionnaient vivement mes nerfs olfactifs, irrités jusqu’à la douleur par une trop longue abstinence.

Nous marchâmes quelque temps encore, puis la scène changea d’aspect. Une clarté verdâtre envahit la forêt. La lune se levait à notre droite. Quand ses rayons obliques argentèrent le tronc des arbres, nous débouchions dans un défrichement jonché de débris charbonnés et de soliveaux à peine équarris par la hache. De noires gibbosités semées çà et là sur le sol et qui ressemblaient à des taupinières colossales, étaient, me dit mon guide, les demeures provisoires des néophytes de la mission de San-José. Le Yahua alla cogner du poing à une maisonnette en lattes située à l’extrémité du défrichement. Quelques paroles furent échangées par lui avec l’habitant de cette bicoque, puis une lumière brilla entre ses ais mal joints, et la porte s’ouvrit me laissant voir un homme de petite taille vêtu d’une robe de missionnaire. — Entrez, señor,

  1. Suite. Voy. t. VI, p. 81, 97, 241, 251, 213 ; t. VII, p. 225, 241, 257, 213, 289 ; t. VIII, p. 97, 113, 129 ; t. IX, p. 129, 145, 161, 177, 193, 209 ; t. X, p. 129, 145, 161, 177 ; t. XI, p. 161 177, 193, 209. 225 ; t. XII, p. 161, 177, 193, 209 ; t. XIII, p. 81 et la note 2 et 97.