Page:Le Tour du monde - 14.djvu/13

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nous rencontrerons la véritable entrée de l’île et des abords dignes de la sainteté du lieu.

Parmi les rues qui débouchent de Benten sur la dernière place de marché de la ville japonaise de Yokohama, l’on en découvre une que semble ombrager une plantation de pins ; et en effet, lorsque l’on a franchi le seuil de la barrière municipale que la police tient ouverte pendant le jour, et fermée durant la nuit, à l’entrée de chaque rue, l’on se trouve en face d’une longue allée de pins précédée de l’une de ces portes sacrées que l’on nomme Toris. Elles se composent de deux piliers quelque peu inclinés l’un contre l’autre, de telle sorte qu’ils finiraient par se rencontrer en formant un angle aigu, si, à une certaine élévation, ils n’étaient arrêtés dans ce développement pyramidal, et réunis par deux traverses horizontales dont la supérieure, qui est la plus forte, a les deux extrémités légèrement recourbées vers le ciel. Le tori annonce toujours le voisinage d’un temple, d’une chapelle, d’un lieu sacré quelconque. Ce que nous appelons prosaïquement des curiosités naturelles : une grotte, une source jaillissante, un arbre gigantesque, un rocher fantastique, le Japonais en fait le sujet d’une pieuse vénération, ou d’une terreur superstitieuse, selon qu’il est plus ou moins dominé par la démonologie bouddhiste ; et les bonzes de la contrée ne manquent jamais de donner une expression sensible à cette religiosité populaire en dressant un tori à proximité de l’endroit remarquable.

Un bac aérien : Chemin au-dessus des vallées. — Dessin de A. de Neuville d’après une vignette japonaise.

Souvent l’on élève, en ayant soin de les espacer avec symétrie, plusieurs toris sur la grande avenue d’un temple : ainsi se reproduit au Japon avec une simplicité rustique, l’idée architecturale qui dans l’art grec a donné naissance aux propylées, et dans l’art catholique a la colonnade de Saint-Pierre.