Page:Le Tour du monde - 14.djvu/136

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tempes, que nous trouvâmes à Mahucayaté, assise devant son seuil où elle épluchait du coton, me dit que si je n’étais pas trop pressé de me remettre en route, le Marahua, son époux, ne tarderait pas à rentrer et serait charmé de me voir. Comme de mon côté je me promettais le même plaisir, j’acceptai l’invitation de la bonne femme et ne sachant à quoi passer le temps, je tendis ma moustiquaire à l’ombre et j’essayai de faire un somme.

Une surprise agréable m’attendait au réveil. Le Marahua, comme s’il avait lu à distance dans ma pensée et voulu combler certain vide qui existait dans mes cartons, arriva avec d’autres gens de sa caste établis comme lui à Mahucayaté ; deux Mayorunas mâles et une femelle les accompagnaient.

L’apparition de cette société fort peu vêtue, peinturlurée d’une façon bizarre et parlant très-haut avec de grands gestes, ne m’effraya pas trop. J’avais eu le temps de m’accoutumer à des rencontres de ce genre et les nudités ne me choquaient plus. En un clin d’œil je fus entouré par la bande joyeuse, et tandis que les Marahuas qui parlaient le Tupi s’informaient dans cet idiome à mes rameurs de mes nom, prénom, qualités, les deux Mayorunas, accroupis près de moi, me palpaient à l’envi et échangeaient des observations que je regrettai de ne Pas comprendre. En qualité d’anthropophages, discutaient-ils sur la qualité de ma chair, mon degré d’embonpoint et le plaisir qu’ils auraient eu à manger de mes côtelettes ? — Ces points intéressants restèrent toujours inexpliqués pour moi.

Indien Mayoruna.

S’ils parurent émerveillés de la nuance de ma peau et des vêtements dont j’étais couvert, de mon côté j’admirai naïvement leur laideur, exagérée encore par la bizarrerie de leur toilette. Ils avaient la tête rasée et sur le sinciput une touffe de cheveux épanouie en cœur d’artichaut. Des hiéroglyphes étaient tracés à l’encre noire sur leur visage et sur leur front. Aux ailes de leur nez brillaient deux pièces d’argent aplaties et fixées en place par un procédé que j’ignore. Deux autres pièces ornaient leurs zygomas et une troisième décorait leur lèvre inférieure. En outre ils portaient de chaque côté du menton une rectrice d’ara macao garnie à sa base d’un blanc duvet d’aigrette.

Cet accoutrement singulier était complété par une ficelle qui leur faisait le tour du corps, à l’endroit où le col du fémur s’unit au bassin. L’emploi de cette ficelle chez les Mayorunas équivalait à l’usage de la chemise et du pantalon chez les Européens. Chacun d’eux tenait